"Tout était noir alors que tout devait être rose"

Associée aux mamans, la dépression du post-partum touche également les jeunes papas. Décryptage du phénomène.

Le nombre de papas souffrant de dépression du post-partum est certainement très sous-estimé dû au tabou qui entoure cette maladie, selon les experts du sujet. © KEYSTONE

"Je pensais à revenir 9 mois avant, lorsque mon enfant était encore dans le ventre de sa mère." Pascal Hasler n'a pas compris tout de suite ce qui lui arrivait à la naissance de sa fille. Le Bullois de 31 ans a connu une dépression du post-partum. Normalement associée aux jeunes mamans, ce type de dépression touche pourtant bien les papas. Selon différentes sources, près de 11% des nouveaux pères sont concernés par cette maladie psychiatrique à l'arrivée d'un enfant. Dans le canton de Fribourg, ça équivaudrait à environ 340 nouveaux papas chaque année.

Plusieurs facteurs

Il y a autant de dépressions du post-partum que de papas qui en souffrent. Tous ne la vivent pas de la même manière, explique la Dre Mathilde Morisod, médecin adjointe au service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du CHUV. Hormis les symptômes plus "classiques" de la dépression comme la tristesse ou la fatigue, "ce que l'on constate souvent, c'est une fuite de la situation, avec une tendance à beaucoup investir le travail, un sport, un nouveau projet...". Dans les cas les plus graves, certains peuvent tomber dans la drogue ou dans l'alcool.

Les pères trouvent un moyen plus extériorisé de se soustraire à cette nouvelle situation de vie

Chaque parcours est différent, mais si le papa ne se fait pas à cette nouvelle situation familiale, c'est son enfant et son couple qui en subiront malheureusement les conséquences, souligne la médecin.

Pour autant, ce que l'on sait de la dépression du post-partum paternelle est bien maigre. Les études sur le sujet n'ont pas plus d'une dizaine d'années. Un manque d'informations et de connaissances qui découle d'un mythe: celui de l'homme fort qui ne parle pas de ses sentiments.

Un tabou sociétal

Ce sont des questions liées à l'éducation genrée masculine, explique Gilles Crettenand, responsable du programme MenCare Suisse romande. Tout ce qui concerne la santé psychique, un homme n'a pas le droit d'y toucher, c'est un tabou.

Parler de ses faiblesses, c'est dire: je ne suis pas un vrai homme

Le papa, qui voit tout le travail que fait la maman pendant la grossesse et après l'accouchement, ne va donc pas oser se soucier de sa propre santé mentale. Il va se dire "de quel droit je charge encore ma compagne après tout ce qu'elle a déjà fait?"

Dans une société où tout va toujours plus vite, où l'on s'éloigne de plus en plus de sa famille, le rôle du conjoint ou de la conjointe est encore plus fondamental. Corollaire de cette importance qui grossit, la charge mentale s'alourdit également. Pour faire évoluer les mœurs et libérer la parole, des gens s'engagent.

Visibiliser une souffrance silencieuse

Des associations, des hôpitaux et des particuliers tentent de sortir ce tabou de l'ombre. MenCare propose des soirées pour les papas et les futurs papas. De son côté, l'association Dépression Postpartale Suisse lance régulièrement des campagnes de prévention. Le groupe essaie également de former les professionnels de la santé, eux qui sont en première ligne. Il existe des cours de préparation à la naissance où certaines séances sont réservées aux futurs papas. C'est le cas à l'Hôpital cantonal fribourgeois où Thierry Bée, infirmier sage-femme, aborde la thématique de la dépression. C'est une des parties qui intéresse le plus les papas, confie le soignant. Il faut savoir que cette dépression existe, qu'il faut en parler et que ce n'est pas une honte si cela nous arrive, et plus important encore, que c'est possible de s'en sortir.

Rien n'est immuable

C'est une pathologie qui se soigne très bien, il ne faut pas hésiter à en parler, insiste la Dre Morisod du CHUV. C'est un effort qui doit venir de la société, mais également des professionnels de santé. Le chemin est encore long, mais il faut garder espoir.

Écoutez le reportage complet:

RadioFr. - Hugo Savary
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