Verdict climatique: un coup dur selon la presse suisse

Après la décision de la Cour européenne des droits de l'homme, certains médias saluent le jugement, d'autres y voient un débordement.

Une victoire pour les "Aînées pour le climat", mais une "humiliation" pour la Suisse, selon certains éditorialistes suisses. © KEYSTONE/JEAN-CHRISTOPHE BOTT

Cette décision historique est une "humiliation" pour la Suisse, tranchent d'emblée les médias du groupe ESH. "Notre pays avait et a toujours tout pour bien faire et montrer l'exemple, peut-on lire. Mais il a préféré nier l'évidence scientifique et se conforter dans des habitudes parfois mortifères".

"L'UDC, qui milite systématiquement contre toute action concrète en faveur du climat, tient une grande part de responsabilité dans ce désaveu", ajoute le commentaire publié dans le Nouvelliste, Arcinfo et la Côte.

"Il n'est certes jamais agréable d'être pointé du doigt, surtout quand les autres pays sont loin d'être exemplaires, écrit Le Temps, revenant sur les réactions virulentes de la droite. Mais on pourrait aussi s'attendre à ce que la Suisse, avec son niveau de vie élevé et sa forte capacité d'innovation s'engage davantage".

Le gouvernement et le parlement doivent désormais prendre leurs responsabilités face à un phénomène qui porte atteinte aux droits humains de la population, écrit le quotidien. Cela passe par une mise en oeuvre "ambitieuse" de la loi climat, acceptée par le peuple l'année dernière.

Ouverture sur d'autres requêtes

Le Courrier se réjouit quant à lui que les associations de défense du climat aient, avec ce jugement, gagné en légitimité pour faire avancer le dossier climatique auprès d'un tribunal international. L'arrêt ouvre la porte à d'autres requêtes de ce type au niveau des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, souligne-t-il.

La décision de la CEDH est exemplaire à un moment où de plus en plus d'Etats, effrayés par la montée du populisme et un bond de l'extrême droite aux prochaines élections européennes, détricotent leurs objectifs climatiques, abondent 24 Heures et la Tribune de Genève.

"Ces politiques climatiques à reculons sont contraires à nos droits fondamentaux, écrit-elle. La justice ne s'embarrasse ni de contorsions politiques ni de chasse aux électeurs".

La population "aussi pointée du doigt"

Le journal alémanique Tages-Anzeiger s'inquiète lui que la décision de la CEDH ne s'immisce dans les décisions nationales. "Les défenseurs du climat n'ont peut-être pas assez réfléchi à ce danger: si les tribunaux déterminent de plus en plus le cours de la politique climatique, une bonne partie de la population risque de ne pas apprécier", peut-on lire.

"Il ne faut pas faire l'autruche. Ce n'est pas seulement la Confédération, mais bien aussi ses habitants qui sont pointés du doigt", appuie La Liberté. Forts d'un pouvoir d'achat qui fait d'eux de grands consommateurs et voyageurs, les Suisses ne sont pas prêts à renoncer à leur confort, comme l'a montré l'échec de la votation sur la loi CO2 en 2021, souligne le quotidien fribourgeois.

L'arrêt de la CEDH oblige la Confédération à prendre de vraies mesures, tout en lui laissant le choix des actions qu'elle mènera. "Cela promet un vaste débat", pronostique le titre.

Changement fondamental "peu probable"

Le Blick prédit un durcissement des fronts en matière de politique climatique tandis que la Neue Zürcher Zeitung (NZZ) qualifie le jugement de choquant. "La CEDH a une nouvelle fois montré qu'elle cultive une jurisprudence activiste qui va bien au-delà d'une protection raisonnable des droits de l'homme", peut-on lire.

Le journal zurichois juge "extrêmement problématique" que la justice internationale ait tranché sur la politique climatique du pays, dont la responsabilité revient au parlement et à la population. La NZZ affirme en outre que les aînées pour le climat ont été instrumentalisées par Greenpeace.

Les titres alémaniques du groupe CH Media, de leur côté, estiment peu probables les chances que la Suisse modifie fondamentalement sa législation climatique sur la seule base de cet arrêt. Celui-ci a la même force politique que les accords sur le climat que le Conseil fédéral a signés à Paris ou à Kyoto, observent-ils.

ATS
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