La Suisse, plaque tournante de l'or illégal

En onze ans, la Suisse a importé plus de 1670 tonnes d'or depuis les Emirats arabes unis, où la majorité du métal vient de contrebande africaine.

La Suisse est le second plus gros importateur d'or au Monde, auprès les Emirats arabes unis. (photo prétexte) © KEYSTONE/Martin Ruetschi

La Suisse est l'un des trois pays les plus demandeurs de ce métal précieux issu de filières illégales. Chaque année, ce sont entre 321 et 474 tonnes d'or artisanal qui sont produites en Afrique sans être déclarées, selon Swissaid, qui a mené l'enquête ces trois dernières années sur une période de onze ans (entre 2012 et 2022). Cela équivaut à entre 23,7 et 35 milliards de dollars (au prix de l'or le 1ᵉʳ mai dernier) ainsi qu'à 75% de la production totale d'or africain extraite de manière artisanale.

L'ONG a pu constater que ces dernières années, en raison du prix de l'or en hausse et des difficultés économiques des pays africains, une véritable "ruée vers l'or" s'est produite. Ce phénomène a engendré "un développement précipité et peu contrôlé de mines artisanales, aux conditions de travail désastreuses", relève l'enquête qui porte sur l'ensemble des pays exportateurs du continent africain et sur les principaux pays de destination. 

Le phénomène de contrebande de l'or y est devenu "préoccupant". "Il ne cesse de gagner de l'ampleur puisqu'il a plus que doublé entre 2012 et 2022", souligne Swissaid. La contrebande d'or la plus importante concerne le Mali, le Ghana et le Zimbabwe.

Un passage par Dubaï trompeur

La majorité de l'or africain, soit 80% de la production industrielle et artisanale, prend le chemin de Dubaï, aux Emirats arabes unis (EAU), de la Suisse ou de l'Inde. En 2022, 66,5% (soit 405 tonnes) de l'or importé aux EAU en provenance d'Afrique a été exporté en contrebande. Après son passage par Dubaï, l'or est envoyé dans différent pays, dont la Suisse, deuxième plus gros importateur après les Emirats. Entre 2012 et 2022, la Suisse a ainsi importé plus de 1670 tonnes d'or en provenance des Emirats arabes unis. 

"En raison de la législation helvétique, qui fait du dernier lieu de transformation de l'or, le lieu d'origine, cet or est considéré comme émirati sans afficher la moindre mention de son origine africaine", s'indigne l'ONG.

Renforcer la législation suisse

"Depuis de nombreuses années, de l'or de contrebande potentiellement lié à des conflits ou des violations de droits de l'homme atterrit donc en Suisse, en toute légalité", déclare à l'agence AWP, son responsable matières premières et co-auteur de l'étude, Marc Ummel. Il dénonce que le pays soit à la traîne en matière de législation sur les métaux précieux.

À ses yeux, la loi sur les douanes qui doit être débattue au Parlement cet automne devrait être "l'occasion de renforcer le cadre légal et améliorer la traçabilité des matières premières".

ATS
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