L'opposition bélarusse tente de remobiliser

Des actions symboliques dans un climat de peur: les partisans de l'opposition au Bélarus ont tenté jeudi d'insuffler une deuxième vie au grand mouvement de contestation de 2020, affaibli par la répression orchestrée par le régime d'Alexandre Loukachenko.

L'opposition a appelé à commémorer jeudi, comme tous les 25 mars, le "Jour de la liberté". © KEYSTONE/EPA/OLIVIER HOSLET

Le président de cette ex-république soviétique, qui occupe ses fonctions depuis 1994, a été confronté l'année dernière à des actions de protestation d'une ampleur historique après sa réélection hautement controversée en août et dénoncée par les Occidentaux.

Le mouvement de contestation, qui a rassemblé jusqu'à 100'000 manifestants pacifiques plusieurs dimanches d'affilée à son apogée, a toutefois été progressivement étouffé à coups d'arrestations massives, de violences ayant fait au moins quatre morts et de lourdes peines de prison qui continuent de tomber.

"Jour de la liberté"

L'opposition a malgré tout appelé à marquer jeudi, comme tous les 25 mars, le "Jour de la liberté", celui de la proclamation en 1918 d'un Etat bélarusse indépendant, renversé quelques mois plus tard par les bolchéviks.

A l'appel de NEXTA, un média populaire qui coordonne les actions de protestation, des marches dans les cours d'immeubles ont eu lieu, de petits groupes dispersés ayant également défilé dans la soirée dans le centre de Minsk, salués par des klaxons d'automobilistes.

De nombreux feux d'artifice ont également été tirés à 21h00 heure locale dans la capitale, dans le cadre des mobilisations annoncées par NEXTA.

A travers tout le Bélarus, de nombreuses personnes ont accroché ou peint sur des murs d'immeubles des drapeaux rouges et blancs, les couleurs de l'opposition, selon des images diffusées sur les réseaux sociaux.

Fort risque de répression

Mais le risque de répression reste élevé : à Minsk, la capitale, et dans d'autres villes, les autorités avaient prévenu que les rassemblements seraient interdits et que les manifestants s'exposaient à des arrestations.

L'ONG spécialisée Viasna a fait état dans la soirée de quelque 80 arrestations, tandis que des véhicules militaires ont été signalés dans le centre de Minsk par des médias indépendants. La chaîne NEXTA a également appelé à des marches d'opposition le 27 mars, jugeant que "la seule garantie de sécurité d'une manifestation est sa taille".

A l'été et à l'automne derniers, de tels défilés pour exiger le départ d'Alexandre Loukachenko rassemblaient chaque week-end des dizaines de milliers de personnes, à Minsk en particulier, avant de faiblir face à la pression policière. Les protestataires avaient ensuite changé de tactique et opté un temps pour de petits rassemblements, également réprimés.

Plus de risques

Désormais, "beaucoup de gens ne prennent plus de risques même s'ils veulent très fort des changements. Car ils comprennent que le prix peut être trop élevé", note le politologue Alexandre Klaskovski, du centre de réflexion Belapan.

Ces dernières semaines, les tribunaux ont travaillé à plein régime pour des procès de manifestants ou de journalistes, souvent accusés d'avoir organisé des "troubles massifs" ou de "violences" contre la police.

Mi-mars, le parquet général a ainsi annoncé que plus de 400 personnes avaient été condamnées dans ce cadre, dont l'une à 10 ans de prison. Les principaux opposants ont été emprisonnés ou contraints à l'exil, à l'instar de Svetlana Tikhanovskaïa, réfugiée en Lituanie.

Perquisitions

Jeudi, la police a par ailleurs procédé à des perquisitions chez plusieurs membres d'une organisation représentant la minorité polonaise. Des arrestations avaient eu lieu les jours précédents.

Une enquête pour "incitation à la haine ethnique et religieuse" a été ouverte contre la dirigeante de cette organisation, a fait savoir le parquet bélarusse. L'intéressée, Anjelika Boris, a été condamnée mercredi à 15 jours de prison pour avoir manifesté sans autorisation.

Ces pressions ont été condamnées par Varsovie, qui soutient l'opposition, et par l'Union européenne qui a appelé jeudi à libérer M. Borys "immédiatement et sans conditions", dénonçant dans un communiqué une "escalade de la répression" au Bélarus.

De leur côté, les pays baltes (Lituanie, Estonie, Lettonie) ont annoncé avoir renforcé leurs sanctions en interdisant le séjour sur leurs territoires de plus de cent responsables bélarusses.

Malgré les sanctions européennes et américaines visant Minsk, Alexandre Loukachenko, soutenu par Moscou, n'a donné aucun signe d'ouverture et s'est borné à évoquer de vagues révisions constitutionnelles sans fixer de calendrier exact ou en détailler le contenu.

ATS
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