Premier non à l'initiative sur la neutralité

La neutralité suisse ne doit pas être définie de manière plus stricte. Suivant le Conseil fédéral, le Conseil des Etats a rejeté jeudi, par 35 voix contre 8, l'initiative sur la neutralité. Toutefois, il a décidé de lui opposer un contre-projet direct.

L'initiative populaire sur la neutralité a été déposée en avril 2024 par Pro Suisse et des membres de l'UDC. © KEYSTONE/ANTHONY ANEX

L'initiative populaire "Sauvegarder la neutralité suisse", déposée par Pro Suisse et des membres de l'UDC, veut qualifier la neutralité helvétique de "perpétuelle et armée". Elle exige aussi que la Suisse n'adhère à aucune alliance militaire ou de défense. La collaboration avec de telles organisations doit encore être limitée au cas où la Confédération serait attaquée.

La neutralité est un "facteur central du modèle helvétique", a avancé Hannes Germann (UDC/SH). Or la Suisse a été critiquée à cet égard dans le contexte de la guerre en Ukraine. L'initiative lui donne "une chance" de renforcer sa neutralité, en l'ancrant dans la Constitution.

"Si on se dit neutre, on doit donc l'être", jusque dans la Constitution, a complété Daniel Jositsch (PS/ZH). Il a lancé une pique aux opposants au texte, qui veulent "brandir haut la neutralité en temps de paix, mais garder toutes les options ouvertes en temps de guerre". "Ce n'est pas être neutre."

En rester à la pratique actuelle

Toutes les oratrices et tous les orateurs ont relevé que la neutralité fait partie de l'identité suisse. Les opposants au texte ont cependant demandé d'en rester à la pratique actuelle. Carlo Sommaruga (PS/GE) a parlé de "concept éprouvé".

La neutralité n'a jamais été un dogme ni un objectif, mais un instrument de la Suisse pour poursuivre ses objectifs, a argué Tiana Moser (PVL/ZH), citant sécurité, indépendance ou encore prospérité. Selon elle, il n'y a pas besoin de l'inscrire dans la Constitution.

Pour la commission, Matthias Michel (PLR/ZG) a demandé de laisser la marge de manoeuvre nécessaire au Conseil fédéral en matière de politique de sécurité, de politique extérieure et de politique économique, surtout au vu du contexte mondial actuel "volatil".

Contre-projet direct validé

Les débats ont plutôt tourné autour de l'idée d'opposer un contre-projet direct à l'initiative. Ce dernier fixerait dans la Constitution que la Suisse est neutre. Sa neutralité, perpétuelle et armée, doit permettre de garantir l'indépendance et la sécurité du pays, pour prévenir et contribuer à résoudre les conflits. La Suisse doit mettre à disposition ses services en qualité de médiatrice.

Les partisans de ce contre-projet, le Centre en première ligne, ont aussi demandé de poursuivre la pratique actuelle. Mais celle-ci doit figurer dans la Constitution.

Selon Isabelle Chassot (Centre/FR), le contre-projet permet de donner une alternative au peuple, au moment du vote, sur ce débat qui dure depuis des décennies. Il s'agit de lui demander: "Confirmez-vous la pratique actuelle ou voulez-vous une neutralité qui empêche toute coopération internationale et toute participation à des sanctions, ce qui reviendrait à de l'indifférence?"

Au vote, seulement la gauche et le PVL se sont opposés au contre-projet.

Le Conseil fédéral opposé

Le Conseil fédéral était lui opposé à l'initiative et à tout contre-projet. La neutralité figure déjà dans la Constitution, mais elle a n'a volontairement jamais été définie de manière précise, a rappelé le ministre des affaires étrangères Ignazio Cassis. Avoir de la flexibilité a toujours permis au Conseil fédéral de répondre "de manière appropriée" à toutes sortes de situations. Le dossier part au National.

ATS
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