Savoir compter pour être autonome et libre

Dylan réapprend les bases en maths avec le soutien de l'association Lire et écrire. Focus en cette journée internationale des mathématiques.

Selon Anne-Sophie Cosandey, responsable de l'antenne Lire et Ecrire de Fribourg , les lacunes en maths élémentaires ont de lourdes répercussions dans le quotidien © Frapp

Dylan Rosset a 23 ans et un lourd passif scolaire. Ce Valaisan, Fribourgeois d'origine, cumule les "dys": dyslexie, dysorthographie, dyspraxie et dyscalculie. Autrement dit, des troubles de l'apprentissage au niveau de l'écriture et de la lecture mais aussi concernant les chiffres.

Quand un collègue me pose une question, je vais être bloqué

Un handicap au quotidien pour l'apprenti boulanger-pâtissier-confiseur.  Pour ses recettes, le jeune homme doit en effet calculer en permanence, veiller aux proportions. Pas facile quand on n'a pas intégré les formules de base comme l'addition, la soustraction, la division.

"Quand un collègue me pose une question, je vais être bloqué" regrette Dylan qui ne peut guère calculer de tête. Il lui faut une machine ou au minimum une feuille et un crayon pour faire les opérations. Et ça lui prend du temps.

Un quotidien très compliqué

Anne-Sophie Cosandey est la responsable de la section fribourgeoise de Lire et Ecrire, une association bien connue qui dispense des cours de "rattrapage" aux personnes qui ont des lacunes dans les connaissances de base. Des lacunes aux lourdes répercussions.

On ne sait pas calculer un prix, calculer un rabais, faire son budget ou sa déclaration d'impôt

"On ne sait pas calculer un prix, calculer un rabais, faire son budget ou sa déclaration d'impôt", constate la formatrice. Difficile voir impossible également de consulter un horaire de bus. Des actions quotidiennes qui paraissent évidentes à la majorité, mais bien compliquée pour celles et ceux qui n'ont pas acquis les maths élémentaires.

Difficile d'accéder au marché du travail dans ces conditions, mais aussi de pouvoir se forger une opinion politique quand la simple notion de statistique vous échappe totalement. Et quand on n'a pas développé un esprit de déduction et de logique.

En résumé, quand on n'a pas appris à apprendre, les outils censés simplifier la vie, comme la calculatrice, le smartphone ou l'ordinateur pour ne citer que ceux-là, deviennent vos pires ennemis. Et n'aident absolument pas à devenir autonomes.

Un dixième de la population concernée

On évalue à environ 9% la proportion de la population vivant en Suisse qui a de telles lacunes. Ce qui équivaut à quelques 18'000 personnes dans le seul canton de Fribourg. Des personnes qui ont pourtant suivi pour la plupart une scolarité obligatoire classique à défaut d'être brillante ou même moyenne.

Pour Dylan, cette période est un très mauvais souvenir. Diagnostiqué dyslexique dès la première primaire, mais à une époque où le problème était encore méconnu des enseignants, il s'est senti jugé et dénigré. "A chaque fois que je faisais une faute, ma professeur me discriminait devant toute la classe au lieu de m'encourager. Elle me disait que j'étais nul et que je n'arriverais à rien !"

Aujourd'hui, heureusement, Dylan est entouré de personnes bienveillantes qui lui redonnent confiance en lui. Son patron d'abord auprès de qui le jeune homme termine son apprentissage. Et puis auprès des bénévoles de Lire et Ecrire qui depuis plus de 4 ans,  lui apprennent ou réapprennent le calcul élémentaire.

C'est par sa grand-mère qu'il a eu connaissance de ces cours gratuits, qu'il suit à Martigny. "Avec ma formatrice, on rigole tout le temps" commente l'apprenti. Une ambiance détendue mais avec des résultats positifs. Dylan sait toutefois qu'il devra entretenir ses connaissances tout au long de sa vie, faute de quoi il risque de les perdre à nouveau.

Sortir de la dépendance et regagner son autonomie

Le numérique simplifie la vie mais exige aussi de nous des connaissances en mathématiques, dont on ne se rend parfois même pas compte. Les personnes qui ne les ont pas acquises pendant leur scolarité obligatoire développent des stratégies d'évitement pour masquer leurs lacunes, mais risquent aussi de se marginaliser voir de s'isoler complètement.

Dylan lui a la chance non seulement d'être bien entouré mais aussi d'avoir su prendre son destin en main. Le garçon, passionné de musique et membre d'une Guggen, témoigne pour aider d'autres jeunes et moins jeunes dans son cas. Il n'a jamais fait mystère de ses lacunes mais il veut les dépasser. Et encourage toutes celles et tous ceux qui sont dans son cas à faire de même.

L'Unesco a décrété le 14 mars Journée internationale des mathématiques, pour promouvoir leur apprentissage. L'association Lire et Ecrire, elle, propose des cours gratuits dans toute la Suisse romande.

RadioFr. - Sarah Camporini
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