France: la gauche en tête, l'extrême droite contenue

Défiant les pronostics, l'alliance des partis de gauche est sortie en tête des élections législatives dimanche soir.

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Le bloc de gauche remporte 195 sièges au second tour des législatives: 182 pour le Nouveau Front populaire (NFP) et 13 divers gauche. Le camp centriste à 174, dont 168 pour Ensemble. Le Rassemblement national (RN) suit avec 143 députés (résultats définitifs). L'alliance des partis de gauche est donc sortie en tête des élections législatives dimanche soir, devant le camp présidentiel d'Emmanuel Macron et l'extrême droite.

A l'annonce des résultats définitifs, les partisans de l'alliance de gauche réunis dans l'est de Paris ont laissé éclater leur joie et soulagement. "On a gagné, on a gagné!" criait la foule, certains pleurant de soulagement. "On a milité pendant des semaines depuis la dissolution de l'Assemblée Nationale. On est fiers de nous et de tout le monde. Et c'est ça la République", expliquait une militante de la gauche radicale, Augustine Bettan.

Mais l'incertitude politique domine à l'issue du scrutin. La France, un des piliers de l'Union européenne, se retrouve plongée dans l'inconnu, sans savoir qui va gouverner, deux jours avant le sommet de l'OTAN et à trois semaines de l'ouverture des Jeux Olympiques.

En force à l'Assemblée

Le Rassemblement national (RN, extrême droite) entre en force à l'Assemblée nationale, avec un nombre historique de députés. Le parti reste tout de même loin du pouvoir avec un score très en deçà des prévisions après sa forte poussée du premier tour.

Avec 189 députés, l'alliance de gauche du Nouveau front populaire (NFP), composée de partis en désaccord sur nombre de dossiers, créé la surprise en devenant la première force. Un mois après une dissolution en forme de coup de poker décidée par le président Emmanuel Macron, le camp présidentiel fait preuve d'une résilience inattendue, avec 174 élus, contre 250 dans l'Assemblée sortante.

Premier à réagir, le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, membre du NFP, a estimé que le Premier ministre Gabriel Attal devait "s'en aller" et l'alliance de gauche "gouverner", en se félicitant que le "peuple (ait) clairement écarté la solution du pire", celle de l'extrême droite.

"La marée monte. Elle n'est pas montée assez haut cette fois-ci, mais elle continue à monter. Et par conséquent, notre victoire n'est que différée", a répondu de son côté la cheffe de file de l'extrême droite française Marine Le Pen. Emmanuel Macron, qui n'a pas pris la parole, attendra de connaître la "structuration" de la nouvelle chambre pour déterminer qui il appellera pour devenir Premier ministre, a annoncé dimanche soir l'Elysée.

Son Premier ministre sortant Gabriel Attal a indiqué qu'il lui remettrait lundi sa démission, mais qu'il était prêt à rester à son poste "aussi longtemps que le devoir l'exigera", notamment dans le contexte des Jeux Olympiques.

Coalition inédite en vue ?

Cette tripartition jette la France dans le brouillard, au terme d'un scrutin qui a fortement mobilisé les électeurs avec une participation d'environ 67%, la plus forte depuis 1981. Aucun bloc n'atteint ou approche la barre de 289 députés, synonyme de majorité absolue.

En attendant les chiffres consolidés, la nature du prochain gouvernement reste incertaine. Mais le "front républicain", bâti entre les deux tours de ce scrutin pour limiter la vague d'extrême droite, a clairement porté ses fruits.

Au RN, le sentiment est forcément mitigé. Côté pile, lui et ses alliés engrangent des élus à un niveau historique. Côté face, il voit s'évaporer le rêve de former un gouvernement, qui aurait été le premier d'extrême droite en France depuis la Deuxième Guerre mondiale. "On a dramatisé à outrance l'enjeu, les fascistes, les fachos", désespérait un militant RN, Luc Doumont, retraité de la douane.

Foule de questions

Les partis de gauche et le camp macroniste trouveront-ils un improbable accord politique, après deux ans à ferrailler pied à pied? L'union de la gauche, qui paraît si fragile, survivra-t-elle aux négociations de gouvernement?

Face à une Assemblée divisée, "il va falloir se comporter en adultes", a jugé Raphaël Glucksmann (gauche). "Il va falloir parler, il va falloir discuter, il va falloir dialoguer". Quid également de la stratégie des Républicains (LR, droite), plongés dans la tourmente après le ralliement de leur chef Eric Ciotti au RN, mais qui conservent un contingent d'élus suffisant (45) pour se présenter comme arbitres des discussions.

Rassurer les partenaires internationaux

La France pourrait aussi s'orienter vers un gouvernement technique, comme celui qui avait sauvé l'Italie de la crise de la dette en 2011. À condition de parvenir à un consensus sur des personnalités. Le chef de l'Etat sort affaibli de cette séquence. Et la campagne éclair pour les législatives se sera déroulée dans une atmosphère tendue, marquée par des nombreuses agressions de candidats et de militants et une libération de la parole raciste, révélatrices d'une France profondément divisée.

"Le soulagement est à la hauteur de l'inquiétude de ces dernières semaines, il est immense", a jugé le défenseur de l'équipe de France Jules Koundé, qui avait appelé à faire barrage au RN. Attendu mercredi au sommet de l'Otan, Emmanuel Macron devra rassurer les partenaires et les milieux financiers sur la stabilité de la France. Pendant ce temps, d'âpres négociations se multiplieront pour les postes clés à l'Assemblée, avant l'ouverture le 18 juillet de la nouvelle législature.

Les législatives françaises avaient été scrutées avec attention dans le monde entier. "Le pire est évité", a réagi un responsable du parti social-démocrate du chancelier allemand Olaf Scholz. "A Paris l'enthousiasme, à Moscou la déception, à Kiev le soulagement. Assez pour être heureux à Varsovie", a commenté le Premier ministre polonais Donald Tusk.

ATS
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