"Ensemble, on peut lutter contre les causes de la précarité"

70 ans après, l'appel de l'abbé Pierre contre la précarité sur les ondes françaises résonne encore. Interview avec le président d'Emmaüs.

Emmaüs Fribourg a 18 places d'hébergement disponibles tout au long de l'année. © KEYSTONE

Nous sommes le 1er février 1954, un hiver glacial frappe la France. Il fait -15 °C à Paris. L'abbé Pierre lance alors un vibrant appel à la solidarité envers les personnes sans-abri sur les ondes de l'ancêtre de la radio française RTL. Cet appel éveille les consciences et marque le début d'un mouvement de solidarité sans précédent.

Radio Fribourg: François Mollard, vous êtes le président d'Emmaüs Suisse, un mouvement fondé par l'abbé Pierre. À cette époque, cet appel avait fait bouger les choses?

François Mollard: C'est un cri de colère, de ras-le-bol. À l'époque, les sans-abris étaient au nombre de 800 000 en France. C'était vraiment une période affolante pour les personnes vivant dans la précarité. Et cet appel a eu un écho retentissant, stupéfiant, que même l'abbé Pierre n'attendait pas.

Tout de suite après l'appel, le standard téléphonique n'a pas arrêté de sonner à RTL, et les dons ont afflué. Ça a réellement touché les Français?

Le gouvernement ne prenait pas de décision et c'est vrai que suite à cet appel, il y a eu de l'engouement, beaucoup de personnes se sont réveillées et ont bloqué les rues. À l'hôtel Rochester, par exemple, c'était la cohue. Il y a justement une anecdote sur ce lieu. Un Américain venait pour être logé, l'équipe de l'hôtel lui prend sa valise avant de la vider par terre en le remerciant pour ses dons. C'était de la folie.

Cet appel résonne-t-il encore à Fribourg, 70 ans après?

C'est une invitation à un engagement. Aujourd'hui, on est sensibles et tributaires de ce qui se passe à l'échelle mondiale. À Fribourg, comme ailleurs, beaucoup de personnes font face à des difficultés pour nouer les deux bouts à la fin du mois. Donc cet appel, plus que jamais, nous invite à nous réveiller. Tellement de choses se font déjà à Fribourg ou en Suisse, mais je crois qu'il n'est jamais trop tard pour s'investir différemment, pour parler peut-être à des personnes vers lesquelles on ne s'est jamais dirigés. Ensemble, on arrivera à lutter contre les causes de la précarité, parce que c'est vraiment ce qui est important. C'est une collaboration entre public, privé et des bénévoles qui fait la force du mouvement Emmaüs.

Emmaüs Fribourg accueille 18 personnes aujourd'hui?

Nous avons 18 places d'hébergement sur toute l'année. Il y a des arrivées, des départs, ce qui représente beaucoup plus de personnes en réalité. Avec les bénévoles, les compagnons et les salariés, nous sommes une trentaine d'acteurs quotidiens qui accompagnent les personnes en difficulté et leur permettent de rebondir après une rupture.

Il y a encore des choses à faire à Fribourg pour s'engager?

Bien sûr! Nous avons la chance d'avoir un système en place avec la Tuile, Banc Public ou encore Fri-Santé, mais nous avons toujours besoin de bénévoles. Il y a tellement d'actions à faire, la pandémie était un coup de projecteur brutal sur toute cette précarité qui se cachait dans l'ombre. Donc, on se doit au niveau de tout un chacun d'avoir cette responsabilité de citoyen. Ça représente beaucoup pour la personne qui est en difficulté. Lorsque vous l'accueillez, vous l'écoutez, vous l'informez et vous la conseillez, c'est quelque chose qui est apprécié.

Écouter l'interview complète de François Mollard:

RadioFr. - Maëlle Robert / Adaptation web: Mattia Pillonel
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