Heidi Duperrex: "Parler, ça aide à effacer la culpabilité"

Victime d'abus sexuels durant son enfance, cette Fribourgeoise a fondé l'association Amor Fati afin de proposer des groupes de parole.

Heidi Duperrex, invitée de Radio Fribourg, a créé un groupe de parole pour les victimes d'abus sexuels. © RadioFr/envato

Radio Fribourg: Il y a deux ans à Fribourg, vous avez mis sur pied des groupes de parole pour les victimes d'abus sexuels. Pour quelles raisons avez-vous lancé ce projet?

Heidi Duperrex: J'ai moi-même été victime d'inceste dans mon enfance. Je cherchais un groupe de parole à Fribourg. J'avais vraiment ce besoin de parler avec d'autres victimes. Mais malheureusement, il n'y avait pas de groupe de paroles à ce moment-là. Cette impasse m'a donné l'envie d'en créer un.

Vous avez finalement dénoncé les actes que vous avez subis une fois adolescente. Vous dites ne pas l'avoir fait plus tôt, à cause du sentiment de culpabilité...

Oui, car plus jeune, j'étais totalement sous l'emprise de mon ancien beau-père. Je me sentais coupable de ce qu'il se passait. J'étais vraiment au cœur des évènements. Je pense que je n'avais pas le recul nécessaire. Ce n'était pas possible de comprendre ce qu'il se passait. Ce sentiment est commun à beaucoup de victimes présentes dans ces groupes de parole. Le fait d'en parler aide à effacer ce sentiment de culpabilité, car nous ne sommes pas coupables.

Est-ce qu'en Suisse, on sensibilise assez aux abus sexuels, sur les mineurs notamment?

Clairement, pas. Il y a un peu d'initiatives, et ça se fait un peu par vagues: tout d'un coup, on en parle, mais ensuite plus rien, sauf que c'est toujours là. Il faudrait commencer à faire aussi un peu des statistiques sur les chiffres en Suisse, et les mettre à jour régulièrement. Et même avec des statistiques, on sait que ce n'est clairement pas représentatif, parce qu'il y a aussi beaucoup de victimes qui n'oseront pas aller devant la justice.

Vous me le disiez en préparant cet interview: lancer une procédure pénale, porter plainte, se faire interroger, vivre l'enquête, c'est aussi une nouvelle épreuve pour les victimes?

Oui, on parle même de victimisation secondaire. Dans mon cas, c'était "facile" car mon agresseur a tout avoué, mais ça a été super dur pour moi, même avec une issue positive. C'est d'ailleurs un thème qu'on aborde tout le temps dans les groupes de parole, la justice.

La figure de l'agresseur est souvent associée à une image violente, parfois proche de celle du fou. Or, souvent, il s'agit de proches ou de connaissances. Remarquez-vous ce schéma dans les témoignages?

C'est important oui. On croit généralement qu'il s'agit d'une personne stéréotypée. Alors que pas du tout. Ça peut être un grand-père, d'une mère ou d'un frère. En réalité, il peut s'agir de n'importe qui.

Vous êtes aujourd'hui maman. Comment est-ce qu'on vit ça quand on a été victime d'abus? Est-ce qu'on arrive à faire confiance à son entourage? 

Ce n'est pas facile. Je suis un peu parano. J'ai un peu peur de confier mon fils aux autres. J'essaie de travailler dessus parce que je n'ai pas envie qu'il ait, lui, cette peur après aussi. Mais ça se travaille. 

Que diriez-vous à des victimes d'abus sexuels?

J'aimerais leur dire que ça va finir par aller, que même si elles sont peut-être dans une situation où elles ont l'impression de ne pas réussir à sortir la tête de l'eau, ça va finir par passer. En tout cas, Amor Fati est là si elles ont besoin. Plus d'informations 

Ecouter l'interview complet:

Retrouvez l'invité de la semaine les mercredis à 12h30 ou en podcast sur Frapp.

RadioFr. - Loïc Schorderet / Adaptation web: Théo Charrière
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