Attentat contre le pont russe de Crimée

Un véhicule piégé a déclenché un vaste incendie sur le pont de Crimée, infrastructure clé et symbole de l'annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne éponyme. Moscou a ouvert une enquête.

La Crimée (ici le terminal maritime de Sebastopol) est une zone stratégique pour la Russie. © KEYSTONE/AP

Des images circulant en ligne du pont montrent la voie ferrée en flammes sur des dizaines de mètres et un tronçon routier effondré.

Ce pont, construit à grands frais sur ordre de Vladimir Poutine pour relier la péninsule annexée au territoire russe, sert notamment au transport d'équipements militaires de l'armée russe combattant en Ukraine.

Si l'Ukraine est à l'origine de l'incendie et de l'explosion sur le pont de Crimée, le fait qu'une infrastructure aussi cruciale et aussi loin du front puisse être endommagée par les forces ukrainiennes serait un camouflet pour Moscou.

Le Comité national antiterroriste russe a annoncé samedi l'attentat, sans accuser dans l'immédiat l'Ukraine. "Aujourd'hui à 06h07, sur la partie routière du pont de Crimée (...) a eu lieu l'explosion d'une voiture piégée, qui a entraîné l'incendie de sept citernes ferroviaires qui allaient vers la Crimée", a indiqué le comité, cité par les agences russes.

Deux voies endommagées

La Russie enchaîne les revers militaires depuis le début du mois de septembre, ses troupes étant forcées de reculer aussi bien au nord-est que dans le sud du pays, notamment la région de Kherson, frontalière de la Crimée, dont M. Poutine revendique l'annexion.

Le porte-parole du Kremlin a indiqué à l'agence Ria Novosti que Vladimir Poutine avait ordonné la formation d'une commission gouvernementale pour établir les faits.

Selon le Comité antiterroriste, deux voies routières sont endommagées, mais l'arche du pont n'est pas touchée.

Les trafics ferroviaire et routier ont été arrêtés, et des ferries ont été mis en place pour permettre la traversée, selon les agences russes.

Vandales ukrainiens

Le Comité d'enquête de Russie, principal organe d'investigation du pays, a promis d'identifier "toutes les personnes liées à ce crime" et ouvert une enquête criminelle.

Le chef de l'assemblée de Crimée, le parlement régional installé par la Russie, Vladimir Konstantinov a dénoncé une coup "des vandales ukrainiens".

L'Ukraine n'a fait aucun commentaire, mais le chef du cabinet de la présidence ukrainienne Andriï Iermak a publié sur twitter une emoticon montrant un pont dans des nuages de fumée.

"Tout ce qui est illégal doit être détruit, tout ce qui a été volé doit être rendu à l'Ukraine", a commenté sur Twitter Mikhaïlo Podoliak, un autre conseiller du président Volodymyr Zelensky.

Ce pont sert essentiel au transport des personnes et des marchandises vers la péninsule, mais aussi aux troupes déployées en Ukraine. Inauguré en 2018, le pont enjambe le détroit de Kertch, devenant le symbole de l'annexion de 2014.

Un responsable de l'occupation russe dans la région ukrainienne de Kherson, voisine de la Crimée, Kirill Stremooussov a publié sur son compte Telegram une vidéo-surveillance du pont montrant une violente explosion. Selon lui, les réparations pourraient prendre "deux mois".

"Enquête adéquate"

La Russie a toujours affirmé que le pont ne risquait rien en dépit des combats en Ukraine, mais elle a menacé par le passé Kiev de représailles si les forces ukrainiennes devaient attaquer cette infrastructure ou d'autres en Crimée.

Le député russe Oleg Morozov, cité par l'agence Ria Novosti, a réclamé samedi une réplique "adéquate". "Sinon, ce type d'attentats terroristes va se multiplier", a-t-il dit.

Plusieurs explosions ont eu lieu ces derniers mois sur des installations militaires russes dans la péninsule, résultat probablement d'opérations ukrainiennes, comme lorsque la base militaire de Djankoï a été ravagée en août par la déflagration d'un dépôt de munitions, provoquant un exode de touristes de la région.

Echecs en série

Les autorités russes ont été toujours avares en explications concernant Djankoï et d'autres incidents similaires sur des dépôts d'armements ailleurs en Russie mais proches de la frontière ukrainienne.

A Djankoï, Moscou avait admis finalement un "sabotage", et l'armée ukrainienne reconnu des semaines plus tard sa responsabilité.

Depuis début septembre, les forces russes ont été obligées de reculer sur de nombreux points du front. Elles ont notamment été obligées de fuir la région de Kharkiv (nord-est) et de reculer dans celle de Kherson.

Confronté à ces revers face à une armée ukrainienne galvanisée et forte des approvisionnements en armes occidentales, le président Poutine a décrété fin septembre la mobilisation de centaines de milliers de réservistes, des civils donc, pour inverser la tendance.

Les échecs des dernières semaines sont tels que même dans les médias d'Etat l'armée et de son commandement sont la cible des critiques de personnalités en vue.

ATS
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