"Pour être un Barbu, il faut de la terre sous les semelles"

Avec leur bredzon, leur loyi ou encore leur pipe, les Barbus incarnent le patrimoine gruérien depuis plus de 80 ans. Rencontre.

Depuis sa création, la société des Barbus de la Gruyère a toujours compté entre 20 et 26 membres, même encore aujourd'hui. © asd

Au cœur des collines verdoyantes et des pâturages vallonnés du sud fribourgeois, une tradition singulière se perpétue depuis plus de 80 ans: celle des Barbus de la Gruyère. Bien plus qu'une simple mode capillaire, ces barbes sont le symbole d'une communauté fière de son héritage et profondément enracinée dans les coutumes locales. "On veut des gens avec de la terre sous les semelles!", entend-on.

Au départ de ce mouvement, une raison toute simple. "Les jeunes qui montaient à l'alpage durant l'été n'avaient tout simplement pas de quoi se raser une fois là-haut", explique Félix Girard, président de la société. "Une fois venu le temps de la désalpe, c'était de ce fait tout un cortège d'hommes barbus qui défilaient au milieu des troupeaux." Aujourd'hui, le groupe ne compte plus qu'un armailli sur les 26 membres, les autres ne sont plus actifs dans le domaine de la montagne et de l'agriculture. "Peut-être qu'un jour ça reviendra, mais pour le moment, je suis le seul a encore avoir des bêtes à l'alpage."

Mais ça ne veut pas pour autant dire qu'ils ne sont pas occupés! Les Barbus occupent leur année avec des représentations folkloriques, des cortèges dans le cadre de désalpes, et des nombreux selfies avec leurs fans, comme on l'a vu lors de la Bénichon de Châtel-St-Denis, le 15 octobre dernier.

Bien que les Barbus de la Gruyère résistent au passage du temps, la relève n'est malheureusement plus aussi évidente qu'à l'époque. "On se fait un peu de souci. On ne trouve plus beaucoup de potentiels membres qui sont prêts à s'investir avec nous pour faire vivre la tradition", regrette Félix Girard. L'évolution des métiers d'alpage, mais aussi l'investissement financier peuvent expliquer en partie ce désintérêt. "Si on compte pour un costume complet, c'est plus de 2000 francs. Pas tout le monde n'a les moyens de mettre autant d'argent."

Mais malgré la difficulté de recrutement, pas question pour la joyeuse troupe de prendre le premier barbu venu. Pour savoir si oui ou non une personne peut se joindre à la société, un règlement a méticuleusement été rédigé à sa création, on peut d'ailleurs y lire, à l'article 3, "sera accepté comme membre tout homme ayant une barbe fleurie, naturelle et non taillée, la plus longue possible avec les cheveux courts."

Et à la question d'une possible ouverture aux femmes, la réponse est pleine de bienveillance. "Les femmes sont bien évidemment les bienvenues, on les accueille volontiers. La porte est ouverte depuis toujours mais encore aucune ne s'est présentée", s'amuse Félix Girard

Frapp - Laura Kolly
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