Berlusconi, grandeur et décadence d'une success story

Retour sur la vie sulfureuse de l'ex-dirigeant italien, décédé ce lundi à l'âge de 86 ans.

"Il Cavaliere" a connu une longue carrière et des scandales sulfureux. © KEYSTONE

Une vie de bling-bling et de bunga bunga : crooner, homme d'affaires et de télévision, Silvio Berlusconi, décédé à l'âge de 86 ans, a profondément marqué le paysage politique de son pays, une "success story" à l'italienne émaillée de nombreux scandales, entre grandeur et décadence.



Le milliardaire est décédé lundi des suites d'une leucémie à l'hôpital San Raffaele de Milan, où il avait été de nouveau admis vendredi après de multiples séjours. Des funérailles d'Etat auront lieu mercredi en la cathédrale de Milan.

S'il a dirigé pendant neuf ans son pays en tant que chef du gouvernement, son dernier rêve, devenir président de la République, s'est brisé en janvier 2022, faute de soutiens au Parlement.

Figure centrale de la politique italienne, dont le parti conservateur Forza Italia appartient à la coalition menée par Giorgia Meloni, Silvio Berlusconi a semé le trouble en multipliant les déclarations russophiles depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022.

Silvio Berlusconi et Giorgia Meloni lors de la campagne législative, en 2022.  



Ami proche de Vladimir Poutine, qui lui a offert 20 bouteilles de vodka pour son dernier anniversaire en septembre, il assurait que le maître du Kremlin voulait renverser le gouvernement de Kiev pour y mettre à la place des "gens biens".

Comparé à Trump

La carrière de ce magnat des médias a été souvent comparée à celle de Donald Trump, autre entrepreneur et dirigeant populiste qui ne cachait pas son admiration pour Berlusconi. Après les violences au Capitole en 2021, l'Italien a cependant pris clairement ses distances avec l'Américain.

Grandiloquent, lui-même voulait entrer dans les annales de l'Histoire comme "meilleur dirigeant politique en Europe et dans le monde".

Silvio Berlusconi a dominé la politique italienne pendant deux décennies en dépit des scandales sexuels et procès qui ont terni son image.

Pour des millions d'Italiens il représente un âge d'or de l'économie péninsulaire.

Fils d'un employé de banque milanais, né le 29 septembre 1936, Silvio Berlusconi fait ses débuts comme animateur sur des bateaux de croisière où, jeune homme au physique avantageux, il chante et, déjà, raconte des histoires drôles.

Une licence de droit en poche, il se lance dans les affaires: commence alors une irrésistible ascension.

Le génie de la télévision

Mais c'est surtout dans la télévision que s'exprime le génie créatif de ce grand communicateur, qui n'hésite pas, dans les années 1980, à saupoudrer ses programmes de femmes dénudées.

La holding de la famille Berlusconi, Fininvest, comprend des chaînes de télévision (MediaForEurope), des journaux et les éditions Mondadori.

Fan de football, il a également présidé pendant 31 ans l'AC Milan avant de le vendre en 2017 à des investisseurs chinois.

Fort de son succès dans le monde de la télévision, le "Cavaliere" - il a été le plus jeune chevalier de l'ordre du travail - se lance en politique en 1994. En quelques semaines, il monte Forza Italia ("Allez l'Italie") et remporte les élections.

Lâché par ses alliés, son gouvernement s'écroule au bout de sept mois. En 2001, il reconquiert le pouvoir qu'il conserve jusqu'en avril 2006.

Usé par ces cinq années, il est battu d'extrême justesse aux élections, mais prend une revanche éclatante deux ans plus tard, s'installant aux commandes du pays pour la troisième fois.

En novembre 2011, il doit toutefois céder, sous les huées, à l'économiste Mario Monti les rênes d'une Italie en proie à une grave crise financière.

Déboires judiciaires

Au printemps 2013, il ressurgit sur la scène politique en raflant un tiers des voix au Parlement, un score qui contraint la gauche à une alliance compliquée avec son ennemi historique.

Début octobre, nouveau revers : son ex-dauphin Angelino Alfano refuse de faire tomber le gouvernement. Suivra une scission entre ses fidèles au moment où le milliardaire est affaibli par ses déboires judiciaires.

En août 2013, il est pour la première fois condamné de façon définitive : sa peine de quatre ans de prison pour fraude fiscale, dont trois supprimés par une amnistie, est confirmée par la Cour de cassation et il l'effectue l'année d'après sous forme de travaux d'intérêt général, perdant au passage son titre de Cavaliere.

Comme il l'a fait pendant toutes ces années dans ses nombreux procès, il se pose en victime des "juges rouges".

Malgré les avanies, l'ex-Cavaliere est resté soucieux de son apparence : cheveux teints, bronzage éternel grâce à une épaisse couche de fond de teint, il a recours sans complexe à la chirurgie esthétique.

Son goût assumé pour les femmes, dont des call girls, finit par lui valoir au printemps 2009 une fracassante demande de divorce de la part de sa seconde épouse, Veronica Lario.

Silvio Berlusconi et Veronica Lario, en 2004. 



Il est condamné à sept ans de prison pour prostitution de mineure et abus de pouvoir, pour des fêtes dites "bunga-bunga", où de très jeunes femmes étaient invitées, avant d'être définitivement acquitté en 2015.

Au bout de six ans, un tribunal de Milan l'a relaxé en février 2023 dans un procès annexe, où il avait été accusé d'avoir corrompu des témoins pour mentir sur ces sulfureuses soirées.

Père de cinq enfants issus de deux mariages et plusieurs fois grand-père, ce personnage hors du commun avait trouvé en 2020 une nouvelle compagne : Marta Fascina, de 53 ans sa cadette, ancien mannequin et députée de Forza Italia.

ATS
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