Plongeon boursier: "Le mot "panique" n'est pas exagéré"
Les marchés boursiers s'effondrent lundi sous l'impact des droits de douane imposés par Donald Trump. Interview de l'économiste Sergio Rossi.
Radio Fribourg: Parle-t-on de panique sur les marchés boursiers ce lundi?
Sergio Rossi: Oui, absolument. Le mot n’est pas exagéré. Il y a une panique réelle due aux annonces de Donald Trump concernant l’instauration de droits de douane. Ces mesures suscitent de vives inquiétudes chez les investisseurs. Si les entreprises touchées voient leurs bénéfices chuter, cela rend leurs actions moins attractives, ce qui provoque des ventes massives et des chutes de cours. Ce phénomène a commencé en Asie et s’étend désormais aux marchés occidentaux.
Quelles pourraient être les conséquences globales de ces décisions américaines?
Les effets sont mondiaux, car l’économie est très intégrée, à la fois financièrement et commercialement. Si les entreprises américaines subissent des pertes, cela affectera aussi les firmes européennes, asiatiques et suisses. La baisse des bénéfices mènera à des suppressions d’emplois et à une diminution des recettes fiscales, avec des répercussions profondes sur les économies nationales.
La Suisse est-elle particulièrement exposée?
Oui, la Suisse est très exposée. Son économie dépend largement des exportations, y compris vers les États-Unis et l’Union européenne. Si ces marchés sont frappés par des droits de douane, les entreprises suisses seront impactées deux fois : directement par les mesures américaines et indirectement par les contre-mesures européennes. Cela affectera le PIB, le marché de l’emploi et les finances publiques.
Peut-on déjà estimer l’ampleur des dégâts pour la Suisse?
Non, pas encore. Trop de variables sont en jeu, et elles sont toutes interconnectées. Tout dépendra des réactions politiques en Suisse et ailleurs, de l’évolution des mesures américaines et de la réponse des entreprises. Mais l’incertitude seule suffit déjà à freiner les investissements et à ralentir l’économie.
Pourquoi observe-t-on une baisse des actions dans le secteur pharmaceutique, pourtant partiellement épargné?
Certaines entreprises pharmaceutiques suisses ont une production aux États-Unis, ce qui les protège en partie. Mais elles dépendent aussi de fournisseurs internationaux. La production de médicaments implique des chaînes d’approvisionnement mondiales, et tout retard ou coût supplémentaire a des répercussions sur les marges. C’est cette incertitude qui fait chuter les cours.
Comment les marchés pourraient-ils évoluer dans les prochains jours?
À court terme, on peut s’attendre à une forte volatilité : des hausses suivies de nouvelles baisses. Cela dépendra des annonces politiques, notamment de Trump et des réponses des autres pays. Mais la tendance générale est orientée à la baisse. Moins de bénéfices, moins d’investissement, et donc moins de croissance.
Peut-on faire un parallèle avec la crise des années 1930?
Oui. En 1930, une hausse des droits de douane américains a précipité une décennie de dépression mondiale. Aujourd’hui, l’économie est encore plus interconnectée, donc les conséquences pourraient être plus rapides et plus sévères. La panique actuelle n’est pas anodine.
Trump met-il en danger sa propre économie?
Tout à fait. Les entreprises américaines devront payer plus cher les composants qu’elles importent. Cela se répercutera sur les prix de vente, donc sur les consommateurs. Moins de pouvoir d’achat, plus de chômage: l’effet boomerang risque de se faire sentir rapidement.
La Suisse a-t-elle une marge de manœuvre face à cette situation?
Très limitée. En dehors de ses relations bilatérales avec l’Union européenne, la Suisse est un acteur relativement petit. Sa capacité d’influence est faible, surtout face à un pays comme les États-Unis. Pour avoir un poids, elle devrait agir en coordination avec l’UE.
Quelles répercussions locales sont à prévoir, par exemple dans des régions comme Fribourg ou le Jura?
Les entreprises locales, notamment horlogères, pourraient voir leur chiffre d’affaires baisser, ce qui entraînerait des licenciements. Ces pertes d’emplois auraient des effets en cascade sur la consommation locale et les recettes fiscales, impactant l’économie régionale dans son ensemble.