Sur la piste du dameur
Rencontre avec le Gruérien Patrick Mauron qui prépare les pistes à Moléson. Un job qui nécessite une attention de tous les instants.

La journée de ski arrive à son terme dans la station de Moléson tandis que le soleil se couche. Une énorme machine fait vrombir son moteur au bas des installations. Aux commandes de sa dameuse, Patrick Mauron attend l'arrivée du patrouilleur, en charge du contrôle des pistes. C'est lui qui confirmera que tous les clients ont quitté la station.
C'est le moment de grimper dans la cabine de l'appareil. Douze tonnes se mettent alors en marche. La première étape? Aller accrocher le câble à un point d'ancrage solide: un arbre situé à près de 800 mètres du bas des pistes. Lorsque les déclivités sont fortes, c'est une précaution nécessaire pour que tout se déroule sans accroc.
Le câble, cette lame de rasoir
"Le câble fait un kilomètre de long", explique Patrick Mauron. "Lorsqu'il est tendu au maximum, il est comme une lame de rasoir. Il fait 11 millimètres de diamètre et peut tracter jusqu'à 4,5 tonnes." C'est donc treuillée que la dameuse entame la première longueur de la piste. Le câble se déroule en ligne droite derrière la machine sans suivre les caprices de la piste. Il devient dès lors dangereux pour toute personne de s'y retrouver lorsque la dameuse est en service.
Afin de montrer la dangerosité de l'exercice, Patrick Mauron procède à une simulation d'accident. Il a placé un mannequin au milieu de la piste. Lors d'une manoeuvre, le câble se tend et fauche le randonneur fictif qui est violemment éjecté. "Le câble provoque des blessures incompatibles avec la vie", explique le conducteur de la dameuse. "Si quelqu'un arrive depuis le haut des pistes, il ne le verra pas forcément, même avec une signalétique adéquate."
"Petite blessure, mais grosse frayeur"
"C'est vrai qu'on rencontre souvent des randonneurs de nuit, mais heureusement, ce genre d'accidents n'arrive que rarement. Les accidents étaient à moindre conséquence. C'était une petite blessure, mais une grosse frayeur", explique encore Patrick Mauron. "Ces dernières années, on en a eu deux ou trois déjà. Le machiniste a vu immédiatement ce qui se passait et a pu intervenir."
La station propose d'ailleurs des sessions nocturnes tous les vendredis jusqu'à 22h30 pour les randonneurs souhaitant pratiquer cette activité de nuit. Les autres stations des préalpes fribourgeoises proposent un service similaire les autres jours de la semaine.
Un rêve de gosse
Patrick Mauron se souvient de la première fois où il s'est assis au volant d'une dameuse: "Je me suis rendu compte que j'étais en train de réaliser un rêve de gosse. Quand j'étais petit, je voyais tout le temps ces machines tourner. C'est assez impressionnant au début, on se demande si ça va tenir, si on ne va pas glisser. Et c'est clair qu'on se fait des petites frayeurs les premières fois, parce qu'effectivement ça glisse quand on n'est plus câblé, même avec les chenilles."
Ce métier requiert également certaines connaissances et une maîtrise de la machine: "Il faut peut-être posséder certains prérequis dans la mécanique par exemple." Cette activité demande également une concentration importante, avec des horaires souvent en soirée ou de nuit. "On peut aussi être victime d'accidents parce qu'on travaille seul. On doit parfois sortir accrocher le câble dans des conditions difficiles. Si on glisse et qu'on se fait mal, ça peut vite prendre du temps avant qu'on vienne nous aider", explique encore Patrick Mauron.
Il arrive parfois même au conducteur de toucher avec sa dameuse les piquets aux bords des pistes. "Le patrouilleur revient les replacer le matin et nous engueule après", rigole-t-il avant de déjà repartir sur les autres pistes du domaine. Il prendra soin de les parfaire minutieusement pour que les skieurs puissent venir les dévaler le lendemain. Les héros ne portent pas tous des capes.