"On commence à 5h mais on ne sait jamais quand on finit"
Le métier de chauffeur routier n'attire plus. Pour quelles raisons? Reportage à bord du semi-remorque du Gruérien François Oberson.

Et s’il n’y avait bientôt plus de chauffeurs poids lourd pour assurer le transport de marchandises sur la route? Souvenez-vous de ces scènes surréalistes au Royaume-Uni, en fin d’année dernière, où des colonnes de voitures patientaient devant des stations-services pour faire le plein d'essence. Depuis le Brexit, acté en 2021, il n’y a plus assez de chauffeurs poids lourd dans le pays pour livrer du carburant. Selon différents calculs, le Royaume-Uni aurait besoin de 100'000 personnes supplémentaires pour correctement tourner.
Le problème s’observe partout en Europe et la Suisse et le canton de Fribourg ne font pas exception. Sur les 5’000 nouveaux chauffeurs nécessaires pour compenser les départs, chaque année, dans notre pays, la moitié vient de l’étranger; en provenance de Bulgarie, de Slovaquie ou encore du Portugal.
Pénurie locale également
Chaque jour, au cœur de la société de transport Emile-Egger à Avenches, plusieurs camions restent cloués au garage et ne roulent pas. "On a vraiment beaucoup de peine à juguler cette pénurie de chauffeurs. Un véhicule amène sur l'année un chiffre d'affaire de 300'000 francs, je vous laisse donc faire le calcul si plusieurs camions ne roulent pas", souffle le directeur de la société, le Fribourgeois Eric Collomb. Pour tenter de pallier cette pénurie, l'entreprise a mis en place une structure de formation accélérée interne qui est offerte aux personnes désireuses d'entamer une reconversion professionnelle.
Parmi les jeunes, le métier peine aussi à créer des vocations. En moyenne, seules 300 personnes se lancent chaque année dans une formation CFC de chauffeurs poids lourd. "Aujourd'hui, il y a tellement de stress sur la route que plus grand monde n'est motivé à se lancer dans le métier", regrette le Fribourgeois François Oberson. A 69 ans, ce chauffeur poids lourd fait ce métier depuis 52 ans. "On commence à 5h du matin mais on ne sait jamais quand on finit. C'est très très difficile d'avoir une vie privée et familiale", lâche celui qui a parcouru 4,5 millions de kilomètres sur les routes de Suisse.
Revalorisation du métier nécessaire
Pour l'association suisse des routiers, le problème vient surtout du côté du salaire jugé trop faible. Selon une estimation du syndicat, le salaire médian d’un chauffeur se monte à 4'700 francs par mois en Suisse. À Fribourg, la convention collective négociée assure au minimum un salaire mensuel de 4'800 francs pour un chauffeur expérimenté.
"Certains chauffeurs ne gagnent pas 20 francs de l'heure alors qu'ils ont la responsabilité d'un camion d'une valeur de trois, quatre, cinq cent mille francs, ça m'attriste beaucoup, lance François Oberson. On est en train de lancer une initiative populaire, un peu dans la même logique que celle lancée par les infirmières, pour tenter de valoriser le métier."
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