Condamné exécuté avec de l'azote en Alabama

L'Etat américain d'Alabama a exécuté jeudi un condamné par inhalation d'azote, une première mondiale. L'ONU avait dénoncé l'exécution par avance, comparant ce mode à une forme de "torture".

Le condamné est décédé dans le pénitencier d'Atmore, dans l'Alabama (archives). © KEYSTONE/AP/Dave Martin

Kenneth Eugene Smith, définitivement condamné en 1996 à la peine capitale pour le meurtre d'une femme commandité par son mari, est décédé au pénitencier d'Atmore à 20h25 locales (03h25 vendredi en Suisse), 29 minutes après le début de l'exécution, a annoncé un communiqué du procureur général d'Alabama.

"Justice a été rendue. Ce soir, Kenneth Smith a été mis à mort pour l'acte abject qu'il avait commis il y a 35 ans", a-t-il ajouté, affirmant que l'Alabama avait "accompli quelque chose d'historique". L'exécution de Kenneth Smith a été la première de l'année aux Etats-Unis, où 24 ont été réalisées en 2023, toutes par injection létale. C'est la première fois depuis plus de 40 ans qu'un mode d'exécution inédit est utilisé dans ce pays.

Première tentative en 2022

Une précédente tentative par injection létale, le 17 novembre 2022, avait été annulée in extremis, les perfusions intraveineuses pour administrer à Kenneth Eugene Smith la solution mortelle n'ayant pu être posées dans le temps légalement imparti, bien qu'il soit resté attaché plusieurs heures. L'Alabama est l'un des trois Etats américains autorisant l'exécution par inhalation d'azote, dans laquelle le décès est provoqué par hypoxie (raréfaction d'oxygène). Le haut-commissariat de l'ONU aux droits de l'homme (HCDH) s'est dit le 16 janvier "alarmé" par l'utilisation d'un "mode d'exécution inédit et non testé, l'hypoxie à l'azote".

Cela "pourrait constituer de la torture ou d'autres traitements cruels ou dégradants au regard du droit international", a prévenu une porte-parole du haut-commissariat, appelant à un sursis à cette exécution. Le protocole d'exécution par hypoxie à l'azote de l'Alabama ne prévoit pas de sédation, alors que l'association américaine vétérinaire (AVMA) recommande d'administrer un sédatif aux animaux euthanasiés de cette façon, a souligné la porte-parole.

"Complètement expérimental"

Tous les recours et demandes de sursis de Kenneth Eugene Smith, 58 ans, ont été rejetés, y compris mercredi par la cour suprême des Etats-Unis d'Amérique. La plus haute juridiction du pays, à majorité conservatrice, était saisie jeudi d'un ultime recours du condamné, mais n'y a pas fait suite. Dans ses arguments écrits à la cour suprême, l'Etat d'Alabama était même allé jusqu'à présenter l'hypoxie à l'azote comme "peut-être, le mode d'exécution le plus humain jamais inventé".

"Les autorités d'Alabama ont raté trois exécutions de suite en 2022, dont celle de M. Smith", avait souligné la directrice exécutive de l'observatoire spécialisé Death Penalty Information Center (DPIC), Robin Maher. "Elles se sentent peut-être plus à l'aise en passant à un mode d'exécution complètement différent, même s'il est complètement expérimental et n'a jamais été testé", a-t-elle poursuivi. "Je suis encore traumatisé par la dernière fois", avait confié en décembre dans une interview à la radio publique NPR Kenneth Eugene Smith, s'avouant "absolument terrifié" de revivre une tentative d'exécution.

Jurés désavoués

Il a été reconnu coupable du meurtre en 1988 d'Elizabeth Dorlene Sennett, 45 ans, commandité par le mari de cette dernière, Charles Sennett, un pasteur lourdement endetté et infidèle, pour faire croire à un cambriolage qui aurait mal tourné. Malgré le suicide du mari, la police était remontée jusqu'aux deux meurtriers. Le complice de Kenneth Eugene Smith, John Forrest Parker, condamné à la peine capitale, a été exécuté en 2010.

Kenneth Smith a également été condamné une première fois à la peine de mort, mais le procès avait été annulé en appel. Lors de son second procès en 1996, onze des douze jurés s'étaient prononcés pour une peine de prison à perpétuité. Mais comme au procès de son complice, le juge avait passé outre l'avis des jurés et l'avait condamné à la peine capitale, une possibilité existant à l'époque dans quelques Etats mais désormais abolie sur l'ensemble du territoire américain.

Dans son rapport annuel en décembre, le DPIC précisait que la plupart des prisonniers exécutés en 2023 aux Etats-Unis "ne seraient probablement pas condamnés à mort aujourd'hui", en raison de la prise en compte notamment des problèmes de santé mentale et traumatismes des prévenus ou de changements législatifs pour infliger la peine capitale. La peine de mort a été abolie dans 23 Etats américains, tandis que six autres observent un moratoire sur son application sur décision du gouverneur.

ATS
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