Présidentielle sur mesure pour Poutine

Les Russes votent dimanche au dernier jour d'un scrutin destiné à célébrer le triomphe de Vladimir Poutine, malgré la répression, la mort de l'opposant Alexeï Navalny et l'assaut contre l'Ukraine qui constituent la toile de fond de l'élection.

La veuve de l'opposant Navalny, Ioulia Navalnaïa, qui a lancé l'appel à voter à la mi-journée, était dans la queue dimanche en début d'après-midi devant l'ambassade russe à Berlin. © KEYSTONE/dpa/Carsten Koall

Les détracteurs du président russe, aux commandes du pays depuis 24 ans, ont voulu se montrer en allant voter au même moment, à midi dimanche.

A Moscou, par endroits, des foules importantes étaient visibles, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"Je suis venu pour montrer que nous sommes nombreux, que nous existons, que nous ne sommes pas une minorité marginale", a dit à l'AFP Artiom Minassian, un étudiant de 19 ans.

Dans le quartier moscovite de Marino, devant le bureau où Alexeï Navalny votait, quelques dizaines d'électeurs ont répondu à l'appel.

"J'ai pu rencontrer quelques personnes, leur parler, et j'ai senti qu'ils pensaient la même chose que moi. Je ne suis pas seule", dit Olga 52 ans, avant de partir avec son fils pour se recueillir sur la tombe de l'opposant, inhumé dans le quartier.

Dans le cimetière, des dizaines de personnes défilaient, déposant des fleurs fraîches sur la sépulture ainsi que des bulletins sur lesquels a été ajouté le nom de Navalny.

Un mot rappelle une citation que l'opposant appréciait: "Pour triompher, le mal n'a besoin que de l'inaction des gens de bien".

Dans l'ensemble, la mobilisation de l'opposition s'est déroulée dans le calme, mais l'ONG OVD-Info, spécialisée dans le suivi de la répression, a fait état d'au moins 74 interpellations en Russie pour diverses formes de protestations électorales.

De Berlin à Genève

Devant les ambassades russes dans le monde, des queues se sont formées à l'heure dite. La foule était au rendez-vous notamment à Paris et Berlin, alors que des dizaines de milliers de Russes se sont exilés du fait de la répression et de la mobilisation militaire depuis le début de l'assaut russe contre l'Ukraine.

Ioulia Navalnaïa, l'épouse du défunt qui a lancé l'appel à voter à la mi-journée, était dans la queue en début d'après-midi dans la capitale allemande. Autour d'elle, certains brandissaient des pancartes: "No Putin, No War", "La Russie sans Poutine" ou encore "Poutine est un tueur".

Léonid Volkov, ex-proche collaborateur de Navalny, a remercié ceux qui se sont déplacés: "Le monde vous a vus. La Russie ce n'est pas Poutine, la Russie c'est vous", a-t-il écrit sur X.

L'action de protestation "Midi contre Poutine" a été visible en Suisse aussi. A Genève, où près de 2000 Russes de Suisse romande étaient attendus pour voter, une longue file d'attente, atteignant près de 400 personnes, s'est formée dès 11h30 devant la Mission russe auprès de l'ONU. A Berne, un millier de personnes ont répondu à l'appel à manifester de l'association Russie de l'avenir / Suisse.

Candidats triés sur le volet

Ces protestations ne pèseront pas pour autant sur la très prévisible issue du vote. De premières estimations et les résultats d'un sondage d'un institut étatique, Vtsiom, devraient être connus peu après la fermeture des derniers bureaux de vote à 18H00 GMT (19H00 en Suisse) dans l'enclave de Kaliningrad.

Le président Poutine, âgé de 71 ans, fait face à trois candidats triés sur le volet et sans envergure. L'opposition a été décimée par des années d'une répression qui s'est encore accélérée avec le conflit en Ukraine et a culminé avec le mystérieux décès d'Alexeï Navalny dans une prison de l'Arctique en février.

Frappes meurtrières

Sur le plan militaire, cette semaine électorale a été marquée par des frappes meurtrières et des tentatives d'incursion armées depuis l'Ukraine sur le territoire russe, répliques aux bombardements et assauts quotidiens des forces du Kremlin chez sa voisine depuis plus de deux ans.

Dimanche matin, une adolescente de 16 ans a été tuée dans une attaque aérienne sur la ville de Belgorod, proche de la frontière et très souvent ciblée. Dans l'après-midi une autre personne est morte et 11 autres blessées dans cette même région.

Une frappe de drones imputée à l'Ukraine a également provoqué l'incendie d'une raffinerie dans le sud de la Russie.

Malgré ces attaques, un conflit meurtrier qui se prolonge et des libertés de plus en plus restreintes, le maître du Kremlin peut compter sur une popularité bien réelle et veut faire de la présidentielle une démonstration d'unité du pays.

Poutine prône l'unité

"Il nous faut confirmer notre unité", a-t-il martelé jeudi, le pays étant, dans son esprit, la cible d'une guerre ourdie par l'Occident.

Une vision partagée par nombre de ses compatriotes. "Les actions que l'Occident nous inflige ne font qu'unir davantage le peuple russe", jure auprès de l'AFP Lioubov Piankova, une retraitée de 70 ans de Saint-Pétersbourg, ville natale du chef de l'Etat.

Et en milieu d'après-midi à Moscou, la participation s'élevait à 70,81%, un record selon les chiffres officiels.

S'agissant de l'Ukraine, alors que le conflit a coûté la vie probablement à des dizaines de milliers de soldats russes, le Kremlin s'efforce de présenter avec triomphalisme de récentes conquêtes d'ampleur pourtant limitée.

Toute la semaine, l'armée russe a aussi dû repousser des tentatives d'incursions armées depuis l'Ukraine, des assauts revendiqués par des unités anti-Poutine se disant composées de Russes et visant à perturber le scrutin.

Un groupe, le "Bataillon sibérien" a affirmé dimanche matin être entré dans le hameau russe de Gorkovski.

Moscou continue pour sa part ses bombardements de l'Ukraine. Une frappe a tué 21 personnes à Odessa vendredi.

ATS
...