Des élèves fribourgeois sensibilisés aux droits humains

Des activistes kényanes de l'ONG Peace Brigades International ont fait halte à Fribourg dans le cadre d'une tournée en Europe. Reportage.

Les deux militantes expliquent en anglais leur engagement au Kenya, face à des collégiens attentifs. © RadioFr.

Il y a Florence Mwikali, sweat kaki et baskets, et Jecinter Agunja, foulard bleu marine et rouge autour du cou. D'un ton posé, elles décrivent aux élèves fribourgeois du collège Saint-Michel leurs actions quotidiennes pour défendre les droits des femmes: les discussions dans les communautés, le travail de sensibilisation via des films, des brochures, ou encore des dessins peints sur les murs pour encourager les femmes agressées à porter plainte, et pour que les responsables soient traduits en justice.

"Au Kenya, le système patriarcal est si enraciné, que les filles n'ont pas les mêmes droits que les garçons, rappelle Jecinter Agunja, dans sa langue maternelle, l'anglais. Les questions que les policiers posent aux femmes les intimident. Même si les agents savent qu'une femme a été agressée par exemple, ils peuvent rendre la femme responsable, lui demander pourquoi elle portait une jupe si courte, ou pourquoi elle marchait seule dans la rue."

Loi pas forcément appliquée

Sa collègue, Florence Mwikali abonde: "Sur le papier, le Kenya fait figure de bon élève, la législation est progressiste, garantit un certain nombre de droits. Les violences faites aux femmes ou les viols sont punissables. Mais en pratique, la loi n'est pas toujours appliquée, loin de là. Depuis le Covid, ça a même empiré."

Les deux militantes sont membres de Peace Brigades International, les Brigades de paix international, une ONG de soutien aux défenseurs et défenseuses des droits de l'homme, de manière non violente, grâce à des volontaires envoyés dans différents pays du monde. La Suisse compte actuellement plus de 120 volontaires envoyés par les Brigades de paix internationales, dans le monde entier, par exemple.

Créer un réseau de soutien

Florence Mwikali et Jecinter Agunja sont venues en Suisse dans le cadre d'une tournée européenne. Elles ont fait halte dans cet établissement scolaire de Fribourg le 11 octobre dernier, entre un rendez-vous au Haut-commissariat aux droits de l'homme de l'ONU à Genève et une réunion prévue au Département fédéral des affaires étrangères, suivie d'une rencontre avec des organisations féministes suisses.

Dans ce périple, elles sont accompagnées par la directrice de l'antenne suisse de cette ONG, Katia Aeby. "L'un des buts de cette tournée, c'est de créer un réseau de soutien pour le travail de ces militantes au Kenya. Cela augmente leur sécurité. Et puis, ces rencontres au niveau international mettent aussi la pression sur le gouvernement du Kenya pour l'inciter à respecter les droits humains sur place."

Faire relativiser les jeunes

Un autre objectif est bien sûr de sensibiliser les jeunes Européens - et les jeunes Suisses en particulier - à ce que peuvent vivre les femmes kényanes au quotidien. "Certains étudiants se font du souci pour leurs notes, en cette année de bac. Il y a eu aussi le Covid et toutes ses restrictions, et beaucoup d'élèves se sont plaints, livre Marc Kleinewefers, professeur d'anglais et d'histoire-géo au collège Saint-Michel et à l'initiative de cette rencontre. Je souhaitais les sortir de leur zone de confort, leur faire prendre conscience qu'ils sont privilégiés. De toute façon, c'est utile de savoir relativiser et se bâtir une certaine résilience."

Cela semble fonctionner. En tout cas pour certaines élèves, comme Noémie et Sara, 18 ans toutes les deux. "Je me rends compte que mes petits problèmes de ma petite vie, c'est rien par rapport à ce que d'autres peuvent affronter. Cela remet un peu les pieds sur terre !"

Les deux collégiennes sont admiratives face au courage de ces deux activistes, "qui peuvent être en danger quand elles disent leur opinion ou défendent leurs droits, c'est impressionnant": car leur action militante les met parfois en danger. Et elles en sont conscientes.

Devant les élèves, Jecinter Agunja énumère les stratégies qu'elles mettent en place pour réduire les risques d'attaques ou d'agressions sexuelles. "On a mis au point des techniques de survie. Quand on se rend à un endroit, on demande à un homme de nous accompagner, surtout la nuit. Ensuite, on dit toujours à quelqu'un où on est, où on va. Enfin, on active notre géolocalisation sur notre téléphone. Comme ça, s'il nous arrive quelque chose, notre entourage s'en rendra compte plus vite."

RadioFr. - Maëlle Robert
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