Des élus sous influence

A Berne, des parlementaires fribourgeois cumulent parfois des mandats externes payés. Quels sont leurs liens d'intérêts? Enquête.

Certains élus fédéraux reçoivent plusieurs milliers de francs par an pour faire partie d'un conseil d'administration. © KEYSTONE

Énergie, économie, agriculture, transport et santé. Voilà les lobbys qui rémunèrent le plus souvent les mandats de politiciens à Berne. Selon la plateforme pour la transparence Lobbywatch, plus d'un tiers des activités extraparlementaires des élus fédéraux sont payées par des entreprises ou des associations.

A l'échelle nationale, les députés bourgeois, de la droite ou du centre, ont nettement plus de mandats de lobbying rémunérés que les députés de gauche. Mais qu'en est-il des élus fribourgeois qui siègent à Berne?

Plus de 65'000 francs par an

Déjà, une tendance nationale ne se confirme pas au niveau cantonal. Celle qui dit que les hommes profitent généralement plus souvent de l'argent des lobbys. Au sein de la délégation fribourgeoise, ce sont les femmes qui ont le plus de mandats payés et ce sont aussi elles qui sont le plus généreusement rémunérées.

La centriste Christine Bulliard-Marbach domine doublement ce classement. Elle a six mandats rémunérés et touche un peu plus de 65'000 francs par année, l'équivalent d'un salaire mensuel de 5416 francs. Son mandat au sein de la Loterie romande lui rapporte à lui seul 33'000 francs par an. "Le canton de Fribourg profite de mon travail. L'année passée, il a touché un peu plus de 20 millions pour le sport, la culture ou la formation. Cet argent ne tombe pas du ciel, c'est un travail intensif", justifie la conseillère nationale. Autre argument lancé: son ancienneté à Berne aurait aussi une influence sur le nombre de ses mandats. "Tous mes mandats ont un lien avec le canton de Fribourg", souligne-t-elle.

De Pro Natura à Suisa

Une autre femme, socialiste cette fois, est aussi payée pour six mandats extraparlementaires. Ursula Schneider-Schüttel empoche un total de 44'000 francs. Ses deux principaux engagements se situent dans la Fondation les Buissonnets et Pro Natura. Elle gagne 24'000 francs pour ces deux mandats. "Mon rôle de présidente de Pro Natura Suisse me prend environ 20% de mon temps, bien sûr cela varie selon l'agenda et les périodes de l'année. Ces montants n'ont rien d’exorbitants."

Marie-France Roth-Pasquier (Le Centre) et Johanna Gapany (PLR) complètent ce quatuor de tête. Les deux Gruériennes sont payées pour cinq mandats. Plus de 58'000 francs pour la centriste qui s'explique: "Mon mandat de base reste mon poste au Conseil communal de Bulle pour lequel je gagne 55'000 francs par année."

La sénatrice libérale-radicale empoche, elle, 24'000 francs. Les deux mandats qui lui rapportent le plus sont son poste de présidente à Primavera, une association active dans le milieu agro-alimentaire, et celui au sein de Suisa, une organisation qui défend les droits des auteurs dans le secteur musical.

Rien pour Isabelle Chassot

Gerhard Andrey (Les Verts) a lui quatre mandats payés. La rémunération de l'écologiste et candidat au Conseil des États s'élève à 31'000 francs pour 2022. 

Le PLR Jacques Bourgeois exerce trois mandats pour lesquels il est rémunéré à hauteur de 30'000 francs. La socialiste Valérie Piller-Carrard (environ 15'000 francs) et l'UDC Pierre-André Page (environ 10'000 francs) ont deux mandats. Enfin, la sénatrice du Centre Isabelle Chassot ne touche pas un centime pour ses mandats extraparlementaires.

Certaines zones d'ombre

Sur la plateforme Lobbywatch, la transparence des élus fribougeois n'est pas égale. Par exemple, Jacques Bourgeois ne détaille pas les montants qu'il empoche pour ses trois mandats au sein des TPF, de la Grande Dixence SA et de la Fédération suisse des vignerons. Contacté par téléphone, l'élu PLR se justifie: "Je gagne environ 30'000 francs, je ne vois pas l'utilité d'entrer dans les détails, ces montants sont raisonnables."

Chez la socialiste Valérie Piller-Carrard, le montant de son mandat au sein des Transports publics fribourgeois n'est pas affiché. La Broyarde s'explique: "Je suis au Conseil d'administration depuis quatre mois. Nous avons eu une seule séance, mais je peux estimer mon revenu entre 4000 et 5000 francs par année aux TPF." La socialiste a assuré que ses données seraient à jour d'ici l'année prochaine sur Lobbywatch.

Les données de la centriste Marie-France Roth Pasquier ne sont pas non plus complètes. Étonnée, la conseillère nationale nous a fourni par mail les montants manquants. 2'700 francs pour être membre de deux commissions cantonales, 400 francs de la Fondation Clos Fleuri et 300 francs pour l'organisation romande pour l'intégration et la formation professionnelle (ORIF).

L'UDC Pierre-André Page exerce deux mandats payés, au sein de l'association des établissements cantonaux d'assurance et de Biofuel Suisse. L'élu glânois admet toucher "une dizaine de milliers de francs", non sans dénoncer un certain voyeurisme. "Lorsqu'on est membre d'un conseil d'administration, c'est aussi du travail et c'est une rémunération qui compense certains frais. J'estime que ce n'est pas si important d'avoir toute cette transparence." 

RadioFr. - Vincent Dousse
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