Les affiches de campagne décryptées

A quelques jours des votations, un spécialiste des affiches politiques analyse en images le choix des différents camps.

Les emojis choisis par le camp du non à l'élevage intensif sont ceux de la frustration. © KEYSTONE

Entretien avec Guillaume Zumofen, doctorant en Science politique à l'Université de Berne et spécialiste des affiches politiques.

RadioFr.: Le comité contre l'initiative qui veut interdire l'élevage intensif à choisi de miser sur des affiches avec des émoticônes. Un bon choix selon vous?

Guillaume Zumofen: Un choix osé et intéressant. Cette stratégie peut parler à un public plus jeune. Avec les smartphones, les émoticônes sont devenues courants dans nos vies. Il y a l'idée de véhiculer une émotion. Les émoticônes utilisées sont celles de la frustration, de l'agacement, de l'ennui ou de la lassitude.

L'idée est certainement de dire : voilà il y a cette succession de votations tous les 3 mois sur la protection du paysage, de la nature, des animaux et on en a assez. Le but est d'activer cet électorat qui est lassé de cette succession de votations.

Le comité d'initiative pour interdire l'élevage intensif reprend lui le concept d'une ancienne affiche de l'UDC. Celle pour les élections fédérales de 2007 avec les moutons...

GZ: En effet, cette affiche est restée dans les annales des affiches électorales en Suisse. Reprendre ce design est un pari assez audacieux.

Reprendre ce design est un pari assez audacieux. L'idée, c'est de proposer une autre vision de la Suisse que celle de l'UDC.

Avec cette stratégie l'idée est certainement de vouloir se différencier, de proposer une autre vision de la Suisse que celle de l'UDC. Il y a aussi probablement la volonté d'élargir l'électorat pour une telle initiative. Habituellement, il se limite souvent aux Verts, éventuellement à la gauche. Là, on veut montrer que cette initiative rentre dans cette autre vision de la Suisse et concerne tout le monde, à part l'UDC.

Qu'en est-il pour la réforme AVS21?

GZ: Il faut dire que la campagne a débuté tôt. En mai déjà, on voyait des affiches sur internet et dans les journaux. Dans les deux camps opposés, les affiches sont assez classiques. Ceux qui sont pour cette modification misent sur la couleur verte et une stratégie de crédibilité avec des personnes connues qui font campagne.

Le camp du non a opté pour une couleur noire très marquée. Il mise sur une stratégie d'identification, avec des personnes lambdas, monsieur et madame tout le monde.

L'élevage intensif et la réforme de l'AVS, ces deux sujets émotionnels prennent beaucoup de place. Comment le sujet, très technique, de la suppression de l'impôt anticipé arrive à se faire une place dans le débat public?

GZ: C'est effectivement toujours la difficulté lorsqu'il y a plusieurs objets soumis à votation. Dans ce cas, il y a un gros sujet qui phagocyte la campagne et mange en quelque sorte les autres sujets, c'est celui de l'AVS 21. Il faut réussir à exister et faire passer son message. La mobilisation n'est par contre pas un enjeu. Les citoyens qui vont aller voter pour un objet, vont aussi voter pour les autres sujets en général. Par contre, il faut réussir à exister dans la campagne et faire passer son message. 

Comment?

GZ: Avec un sujet complexe comme l'abolition de l'impôt anticipé, c'est plus compliqué pour un comité de campagne de véhiculé un message. Le sujet va effrayer certains citoyens. Avec des affiches politiques, c'est compliqué d'expliquer des choses, d'avoir beaucoup de texte et de rentrer en profondeur dans la thématique.

Les différents camps doivent réussir à vulgariser le sujet et surtout cadrer la campagne. Il faut faire passer un deux messages très simples. Les citoyens doivent se dire:  "d'accord c'est un sujet complexe, mais je retiens cet élément." La plupart des citoyens vont finalement s'appuyer sur des raccourcis pour se faire un avis et surtout voter : ils vont suivre les recommandations des partis dont ils sont proches.

RadioFr. - Vincent Dousse
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