Des scouts de Romont à une carrière dans l'ONU

Rencontre avec le Fribourgeois Patrick Gauchat, 1er Suisse à la tête de l'opération de maintien de la paix de l'ONU au Proche-Orient.

Patrick Gauchat, 53 ans, devant la Tour à Boyer à Romont, lors de l'un de ses séjours en Suisse. © RadioFr.

Il accepte de nous rencontrer lors de son passage en Suisse, pendant ses vacances, quatre mois après sa nomination à ce poste haut-placé dans le maintien de la paix de l'ONU, à Jérusalem. Patrick Gauchat, 53 ans, arrive au rendez-vous sans uniforme militaire. Jean, veste noire, et lunettes de soleil pour se protéger des rayons encore doux de l'hiver, il se raconte, simplement, à RadioFr. Lui, élève glânois qui aimait "le calcul, la géographie, le sport", et qui, petit déjà, avait une passion: voyager.

Sa première expérience de voyage, marquante, a été un séjour en Egypte, avec les scouts de Romont: "Nous avions fait des collectes et des lavages de voiture pour financer un séjour en Egypte, et construire des maisons dans un bidonville où Soeur Emmanuelle travaillait, se souvient-il. On a rencontré des gens qui n'avaient rien, qui vivaient sans télévision, sans électricité. Pour beaucoup de jeunes, cela a été un déclic."

Faire respecter le cessez-le-feu

Une région attachante, où il reviendra: deux décennies plus tard, au début des années 2000, Patrick Gauchat retourne ainsi en Egypte, cette fois dans le cadre d'une opération de maintien de la paix. Au Moyen-Orient, il effectue ses premières missions. Il commence dans le Golan, territoire occupé par Israel.

Sa mission, en tant qu'observateur militaire: "Observer que les parties respectent bien le cessez-le-feu pour empêcher toute escalade de violence, raconte-t-il. Nous devons aussi faire des rapports si l'armistice est violée et faire des patrouilles et des inspections: physiquement, on compte le nombre de soldats et de chars, pour que ce nombre reste suffisamment petit pour ne pas permettre des opérations militaires."

Mais comment ce Fribourgeois, diplômé de l'EPFL, ingénieur aux CFF, est-il devenu militaire-diplomate pour l'ONU, aujourd'hui à la tête de 150 observateurs militaires non armés? En toile de fond, il y a, toujours, l'attrait de l'étranger. L'étincelle, c'est une annonce pour ce poste, qui l'interpelle: "C'était une annonce qui proposait de devenir observateur militaire. A partir du moment où on est capitaine ou major, on peut faire ce cours d'observateur militaire et être envoyé ensuite en mission pendant un à deux ans."

Du Kosovo à la Corée

Cette idée le séduit assez vite: "On parle beaucoup de guerres. Je me suis dit que je pouvais peut-être, moi aussi, contribuer à maintenir la paix dans ces théâtres-là." Ainsi, Patrick Gauchat est engagé, d'abord pour deux ans. Il reprend ensuite son ancien boulot, avant, finalement, d'enchaîner les missions de maintien de la paix pour l'ONU: le Kosovo, puis la Corée: "C'était encore plus surprenant comme culture, encore plus loin, alors j'ai fait acte de candidature pour la Corée!"

Le Romontois passe alors un peu plus de quatre ans, entre 2017 et 2021, à surveiller le fameux 38e parallèle, la ligne de démarcation entre Corée du Nord et Corée du Sud. Il y reste jusqu'en automne 2021, jusqu'à son départ pour Jérusalem, pour prendre la tête de l'opération de maintien de la paix de l'ONU au Proche-Orient. Le quinquagénaire reste humble quand il évoque ses nouvelles fonctions. Il en parle avec détachement. Pourtant, il est le premier Suisse à occuper ce poste.

Un poste exposé, haut placé avec une charge importante: "C'est clair qu'il y a une responsabilité que nous devons assumer. Il y a des personnes qui doivent parfois aller se réfugier dans des bunkers, sur les lignes de front. Nous devons prendre la responsabilité de les retirer ou non, nous devons prendre les décisions nécessaires pour assurer leur sécurité."



Si ce Fribourgeois est arrivé là, en haut de la chaîne de commandement, c'est qu'il a fait ses preuves tout au long de sa carrière dans le maintien de la paix: il parle plusieurs langues étrangères. Surtout, il sait résister au stress, gérer les moments tendus, comme cet épisode en 2012: "Une fois lors de la guerre en Syrie, lorsque j'étais numéro deux de cette mission de maintien de la paix au Moyen-Orient, des observateurs militaires ont été enlevés. Nous avons dû être précis pour qu'ils ne soient pas blessés ou maltraités. Là, ils ont été relâchés et tout s'est bien passé, mais ce sont des moments de grande tension."

Patrick Gauchat est aussi passé par le siège des Nations-Unies à New-York, comme militaire suisse, d'abord 2009 et 2011 et puis ensuite entre 2014 et 2017. Il y a notamment rencontré le Pape François - "j'ai eu la chance d'être tiré au sort pour le voir!", ou encore Barack Obama. Il a quasiment fait le tour du globe. Il apprécie son travail qui a du sens, aime découvrir de nouvelles cultures. C'est un homme accompli.

Croire en ses rêves

Mais son parcours singulier a un prix, et il l'assume: "En changeant de lieu de vie tous les deux trois ans, je ne peux plus être membre d'une société locale ou d'un club de foot par exemple. C'est quelque chose que j'aimais. Mais c'est un choix, on ne peut pas tout avoir." Il y a aussi des renoncements à accepter au niveau privé: "Fonder une famille, cela n'a pas pu se faire par exemple."

Aujourd'hui, Patrick Gauchat aime revenir à Romont, là où se trouvent ses racines, il aime voir du vert et du blanc, des couleurs apaisantes, loin du rouge et du jaune du désert. Et quand, invité par des universités dans le monde entier, en Israel ou aux Etats-Unis, il raconte son parcours aux étudiants, il leur fait passer ce message: "Il faut toujours croire en ses rêves! Si on a un but, il faut toujours y croire. Cela demande du travail et de la patience, mais il faut y croire. Car si on n'y croit pas, on y arrivera jamais!"

RadioFr. - Maëlle Robert
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