Eva Kaili se voit retirer ses délégations

L'eurodéputée grecque Eva Kaili, auditionnée depuis vendredi dans une enquête de la justice belge sur des soupçons de corruption en lien avec le Qatar, s'est vue retirer samedi ses délégations et tâches de vice-présidente du Parlement européen.

Samedi le journal belge L'Echo affirmait que "plusieurs sacs remplis de billets" ont été découverts au domicile bruxellois d'Eva Kaili, que la police a décidé de perquisitionner après avoir surpris le père de l'élue lui-même en possession d'une grosse quantité d'argent liquide dans "une valise". © KEYSTONE/AP/PETROS GIANNAKOURIS

Eva Kaili avait été interpellée vendredi par la police belge. La présidente du Parlement Roberta Metsola a annoncé sa destitution par la voix d'un porte-parole.

Mme Kaili voit ses "délégations suspendues" mais garde son titre de vice-présidente "qui ne peut lui être retiré qu'à l'issue d'un vote", a précisé à l'AFP une porte-parole du Parlement. Mme Kaili a le titre de vice-président comme 13 autres élus du Parlement européen. Mme Metsola lui avait notamment délégué le rôle de la représenter dans la région Moyen-Orient.

Elus et ONG appellent à débattre en urgence d'une amélioration des règles d'éthique dans cette grande institution de l'UE. "Il ne s'agit pas d'un incident isolé", a réagi l'organisation Transparency international au lendemain de l'opération de police.

"Culture de l'impunité"

"Depuis plusieurs décennies, le Parlement a laissé se développer une culture de l'impunité (...) et une absence totale de contrôle éthique indépendant". Ce contrôle dans l'institution est "défectueux", a renchéri sur Twitter Alberto Alemanno, professeur de droit au Collège d'Europe à Bruges.

Cinq personnes dont Eva Kaili ont été arrêtées vendredi à Bruxelles à l'issue d'au moins 16 perquisitions dans une enquête sur des soupçons de versements d'argent "conséquents" par un pays du Golfe pour influencer les décisions des eurodéputés.

Le Qatar nie

Le parquet fédéral n'a pas nommé le pays, mais une source judiciaire proche du dossier a confirmé à l'AFP qu'il s'agissait du Qatar, comme le révélaient les médias Le Soir et Knack. "Toute allégation de mauvaise conduite de la part de l'Etat du Qatar témoigne d'une grave désinformation", a réagi samedi un responsable du gouvernement qatari sollicité par l'AFP.

L'affaire éclate en plein Mondial-2022 de football, alors que le pays organisateur doit déployer des efforts pour défendre sa réputation décriée en matière de respect des droits humains, notamment ceux des travailleurs. Et le dossier a pris une dimension supplémentaire quand a été confirmée l'identité de la cinquième personne interpellée vendredi soir.

Figure de la sociale-démocratie

L'eurodéputée grecque Eva Kaili est une ex-présentatrice télé de 44 ans devenue une figure de la sociale-démocratie dans son pays. Elle avait jusqu'à samedi soir le titre de vice-président du Parlement européen comme 13 autres élus.

Dès vendredi soir, Mme Kaili avait été exclue du Parti socialiste grec (Pasok-Kinal), qui souhaiterait aussi la voir céder son siège au Parlement européen. Le groupe Socialistes et Démocrates (S&D) de l'assemblée européenne a annoncé sa suspension "avec effet immédiat".

Samedi, les auditions de cinq suspects se sont poursuivies à Bruxelles, selon un porte-parole du parquet fédéral. Un éventuel placement en détention provisoire par le juge d'instruction doit être décidé dans un délai de 48 heures après l'interpellation, soit dimanche au plus tard.

"Plusieurs sacs remplis de billets"

L'enquête du juge belge Michel Claise vise des faits de "corruption" et de "blanchiment d'argent" en bande organisée, selon le parquet.

Samedi le journal belge L'Echo affirmait que "plusieurs sacs remplis de billets" avaient été découverts au domicile bruxellois d'Eva Kaili, que la police a perquisitionné après avoir surpris le père de l'élue lui-même en possession d'une grosse quantité d'argent liquide dans "une valise".

Selon des informations confirmées à l'AFP, au moins trois suspects interpellés vendredi sont des Italiens ou d'origine italienne: l'ancien eurodéputé socialiste Pier-Antonio Panzeri (qui a siégé de 2004 à 2019), le secrétaire général de la Confédération syndicale internationale (CSI) Luca Visentini, ainsi que Francesco Giorgi, un assistant parlementaire du groupe S&D, compagnon de Mme Kaili.

Deux interpellations en Italie

Outre les cinq en Belgique, il y a eu deux interpellations en Italie, a confirmé samedi une source gouvernementale italienne à l'AFP à Rome. Il s'agit de l'épouse et la fille de M. Panzeri.

Eva Kaili s'était rendue début novembre au Qatar où elle avait salué en présence du ministre qatari du Travail les réformes de l'émirat dans ce secteur. "Le Qatar est un chef de file en matière de droits du travail", avait aussi affirmé la Grecque le 22 novembre à la tribune du Parlement européen.

Ces propos, qui avaient alors suscité des remous dans les rangs de la gauche, sont revenus à l'esprit de nombreux eurodéputés à l'annonce de l'arrestation de Mme Kaili.

"Scandale gravissime"

Des socialistes français ont dénoncé "un scandale gravissime", tandis que les écologistes Michèle Rivasi et David Cormand ont pointé du doigt "une complaisance coupable" de certains socio-démocrates (S&D) lors du débat sur le Qatar à la dernière session plénière.

La prochaine session, qui démarre lundi à Strasbourg, s'annonce agitée. L'eurodéputée française Manon Aubry (gauche radicale) a exigé un nouveau débat sur le même sujet, en fustigeant samedi "le lobbying agressif du Qatar".

ATS
...