Langues à l'école: "l'idée est de se comprendre un minimum"
Pour Hugo Stern, chef du service de l'enseignement, les langues nationales doivent être au premier plan à l'école obligatoire, sans placer la barre trop haut.

L'apprentissage du français est menacé en Suisse-allemande. Lundi dernier, le Parlement zurichois a adopté une motion pour arrêter son enseignement à l'école primaire. Une mesure qualifiée de menace à la cohésion nationale ou encore d'affront pour la langue de Molière du côté romand. Radio Fribourg revient sur cette polémique avec Hugo Stern, qui dirige le service de l'enseignement francophone fribourgeois.
Radio Fribourg: Comment réagissez-vous à ce qu'il se passe de l'autre côté de la Sarine?
Hugo Stern: Cela me heurte et me déçoit. C'est un coup de couteau dans la cohésion nationale et le fédéralisme, dans finalement ce qui fait l'ADN de la Suisse. Les quatre langues nationales doivent, à mon sens, être mises en premier lieu dans l'enseignement. Je crois que c'est vraiment une question importante au niveau de notre culture, de notre nation qui s'est constituée par la propre volonté de différentes petites régions qui se sont soudées les unes aux autres. Cette identité-là, il faut la défendre.
Fribourg est un canton bilingue. Se pose-t-on les mêmes questions sur l'apprentissage de l'allemand?
Il est très clair pour nous que l'apprentissage de la langue partenaire, l'allemand pour les francophones et le français pour les alémaniques, est une question de cohésion cantonale. L'État a développé tout un tas de mesures au cours des 15-20 dernières années.
Cela va de petites mesures, comme des échanges ponctuels qui ont lieu entre les classes et qui sont obligatoires en 10e année dans notre canton, à d'autres solutions beaucoup plus intensives, comme une 12e année linguistique, où plus de 150 élèves ont profité de cette offre l'année passée pour s'immerger complètement dans la culture de l'autre partie linguistique du canton.
L'idée n'est pas d'être tous et toutes bilingues. Ce serait illusoire. L'idée, c'est de se comprendre un minimum, de faire un premier pas et de dire des petites choses simples. Je crois qu'il ne faut pas placer la barre trop haut. Mais il faut néanmoins se donner les moyens à travers l'école de favoriser cette culture commune au sein du canton.
Qu'en est-il de l'anglais? La langue est toujours plus importante, elle est parlée dans certaines entreprises et à l'université. Les cantons romands sont aussi moins bons que les germanophones en général. Au final, est-ce qu'il ne faudrait pas lui donner davantage de place?
Dans notre canton, comme dans bien d'autres, l'apprentissage de l'anglais a été avancé à la 7H depuis une douzaine d'années. Mais dans la grille horaire des élèves fribourgeoises et fribourgeois, l'allemand a un peu plus de place que l'anglais, par volonté politique, par le fait que c'est une langue nationale. C'est une question de priorité. En tout cas, à Fribourg, la question de mettre la priorité sur l'anglais n'est pas d'actualité.
Concernant la différence de niveau, cela nous intéresse de comprendre pourquoi. On ne pourrait pas, en tant que pédagogues, évacuer cette question. Je pense qu'il y a des explications. D'une part, de nombreux cantons alémaniques ont mis plus d'heures à la grille horaire, pour différentes raisons. Donc évidemment, ils avancent un peu plus vite. Deuxièmement, il y a quand même une proximité linguistique un peu plus forte entre l'anglais et l'allemand. Mon épouse est alémanique. Je vois que quand elle parle en anglais, cela fait moins rire les gens que quand je m'y lance.
Quand vous entendez deux Suisses qui communiquent en anglais, par exemple à l'armée, c'est quelque chose qui vous fait mal ?
Cela me questionne. Mes souvenirs sous les drapeaux, c'était justement à Frauenfeld et je crois que ça a bien complété ma formation scolaire. J'ai dû me lancer, étant un des seuls romands, et je n'ai jamais regretté ça. C'était une manière de comprendre la culture, d'entendre ces accents très différents. Il y avait un Haut-Valaisan, il y avait des Zurichois et autres. C'était vraiment une richesse.
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