"Avoir de l'empathie, ce n'est pas une tare dans ce métier"

Annabelle Durand est l'envoyée spéciale de la RTS en Ukraine. Elle intervient régulièrement dans le journal de 19h30. Entretien.

La journaliste Annabelle Durand est l'envoyée spéciale de la RTS en Ukraine. © RTS

Nous vivons depuis une dizaine de jours au rythme du conflit en Ukraine avec ses images de villes détruites, de réfugiés hagards et de chars menaçants. Pour rendre compte de cette guerre si proche de nous géographiquement, de nombreux journalistes sont envoyés sur place.

Parmi eux, Annabelle Durand, reporter de la RTS. La journaliste se trouve à Lviv, une ville située à environ 80 kilomètres de la frontière polonaise. Un véritable "hub", comme elle le qualifie, où convergent quelques 40'000 réfugiés chaque jour. Ils attendent d'être évacués par trains ou par bus, des heures et parfois des jours, même si ces départs sont très bien organisés. Mais peut-être que Lviv sera aussi bombardé par la suite. Annabelle Durand a donc beaucoup d'histoires à raconter, celles de familles qui fuient le conflit, celles de jeunes gens qui restent et se préparent à aller combattre les troupes russes.

Pour entrer en contact avec cette population, la reporter et son équipe ont un fixeur, lui aussi journaliste, qui travaille avec eux depuis des années. Annabelle Durand a d'ailleurs déjà réalisé plusieurs reportages dans le pays. Elle était dans la région du Donbass en janvier juste avant que l'offensive russe ne commence.

Le sens de l'accueil

Et puis le contact avec la population ukrainienne est facile. "Ce sont des gens très accueillants". Ils sont aussi très connectés et savent comment les médias couvrent le conflit dans leur pays. Ils parlent donc volontiers de ce qu'ils vivent. Même après avoir marché des kilomètres pour fuir les bombes. "Quand on voit tous ces journalistes interviewer la même personne avec ses enfants dans les bras, qui inlassablement raconte son histoire après avoir passé des heures sur les routes, à attendre dans le froid, c'est incroyable!" souligne Annabelle Durand.

Et le fait qu'elle soit une femme, ça aide? "Ce n'est pas comme au Moyen-Orient. En Ukraine je ne crois pas que ça change quoi que ce soit", estime la journaliste. Qui nuance "On ne se rend pas bien compte, peut-être que j'ai une attitude avec les enfants et les femmes plus empathique. Et encore, je ne suis pas certaine."

Proximité avec la population ukrainienne

Pour la reporter qui a déjà couvert de nombreux conflit, ce qui est différent, c'est que ça se passe si près. "Dans le jardin de l'Europe" souligne-t-elle. Nous avons une proximité culturelle, religieuse avec la population ukrainienne et nous sommes peut-être plus sensibles qu'à d'autres situations tout aussi dramatiques. "C'est un peu injuste", reconnaît la journaliste.

Mais si elle est touchée par la situation des gens qu'elle rencontre, la reporter arrive toutefois a faire son métier sans être submergée par les émotions. "J'ai assez de sentiments pour avoir envie de raconter leur histoire, mais en même temps assez de distance pour pouvoir continuer à faire mon travail." C'est donc une question d'équilibre. Et il faut accepter d'être parfois touché par une situation: "Avoir de l'empathie, conclut Annabelle Durand, ce n'est pas une tare dans ce métier".

RadioFr. - Sarah Camporini
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