"Les USA risquent de glisser vers un pouvoir dictatorial"

Benoit Challand, professeur de sociologie à la New School for social research de New-York, décrypte la victoire de Donald Trump.

"La base électorale de Trump est restée stable, puis elle a augmenté dans plusieurs petits comtés ruraux", explique Benoit Challand. © Keystone

RadioFr.: Quelle est votre réaction face au dénouement de ces élections et la victoire de Donald Trump?

Benoit Challand: Beaucoup de gens craignaient la victoire de Trump. Ils avaient peur du maintien d'un État de droit et de la démocratie. Au final, la victoire est bien plus nette qu'attendue. Le résultat est similaire pour le Sénat. Dans plusieurs États, le parti démocrate n'a pas réussi sa mission.

Est-ce que l'ampleur de cette victoire est surprenante?

La victoire elle-même ne l'est pas. Beaucoup d'Américains sont restés fidèles au candidat Républicain depuis la fin de son mandat. Cependant, la victoire dans tous les États clés comme la Pennsylvanie, le Michigan ou la Caroline du Nord est une surprise. Le Parti républicain a gagné les élections. Le Parti démocrate ne les a pas perdu. C'est-à-dire que la base électorale de Trump est restée stable, puis elle a augmenté dans plusieurs petits comtés ruraux. Cela s'est déroulé sous les radars.



Depuis la Suisse, il est parfois difficile de comprendre comment un politicien comme Donald Trump puisse revenir au pouvoir, notamment après ce qu'il s'est passé au Capitol le 6 janvier 2021. Comment expliquez-vous que cela pèse pas dans la balance?

Les américains sont attachés au principe individuel de liberté, comme le fait de porter une arme. Cela fait partie de l'ADN du pays. Il défend aussi une liberté d'action contre l'État de Washington. Il a donc toujours eu la certitude qu'un président doit défendre ces valeurs-là. La combinaison entre l'envie de défendre son identité et la méfiance des organismes fédéraux n'a fait qu'augmenter la base électorale de Trump.

Pour les Européens, dont les valeurs sont souvent opposées à celles prônées par le président américain, un tel personnage est choquant. Mais pour les Américains, il ne l'est pas. De plus, le pouvoir d'achat s'est terriblement érodé ces dernières années. Un parti sortant n'ayant pas réussi à améliorer la situation sera forcément tenue responsable. Le vote de cette année sert aussi de punition au gouvernement de Biden.

Est-ce qu'en comparaison à son premier mandat, Donald Trump aura-t-il plus de facilité à faire passer ses projets auprès du Sénat, qui est désormais majoritairement républicain?

Absolument. La situation risque d'amplifier la politisation des tribunaux. Mais le risque est au-delà du processus classique. Trump a un esprit revanchard. Il prône une idée messianique de son leadership. J'ai peur qu'il prenne des mesures d'exception et de rétorsion. Si cela se réalisait, l'État de droit et la démocratie seraient en danger. Les États-Unis risquent de glisser vers un pouvoir dictatorial.

Écouter l'interview complet:

RadioFr. - Vincent Dousse / Adaptation web: Théo Charrière
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