Julien Sprunger: "le titre, c'est maintenant ou jamais"

Juste après l'annonce de sa retraite, le capitaine de Fribourg-Gottéron s'est longuement confié. Interview.

Julien Sprunger a tout connu à Fribourg-Gottéron. © KEYSTONE

Lundi 15 décembre, un peu avant 18h00, Gottéron publie sur Instagram une vidéo qui va récolter des milliers de "likes" et des centaines de commentaires. On y voit Julien Sprunger, assis sur le canapé de son salon, face à la caméra, annoncer la fin de sa carrière. Peu après ce moment simple et authentique, à l'image du capitaine des Dragons, le Fribourgeois de presque 40 ans a reçu une poignée de journalistes dans sa maison d'Estavayer-le-Lac. Ému, il a pris le temps de répondre à toutes nos questions. 

Marie Ceriani: Vous venez d'annoncer la fin de votre carrière. Expliquez-nous,  comment avez-vous pris cette décision?

Julien Sprunger: Je dois avouer que la saison passée, j'avais déjà hésité. Je me posais beaucoup de questions, surtout pendant le début de saison difficile qu'on vivait. Mais je ne voulais pas finir sur cette note-là. Personnellement, c'est vrai aussi que ça fonctionnait plutôt bien. Je marquais beaucoup de buts. J'avais un bon rôle dans l'équipe. Alors, j'ai eu envie de prolonger le plaisir. Je voulais aussi faire partie du Gottéron de Roger Rönnberg.  

Maintenant, je sens que le moment est venu. Je le sens au fond de moi. Je veux tout donner jusqu'à la fin, mais je ne me vois pas repartir pour une préparation estivale et tout ce qui va avec. Ce n'est pas une décision que j'ai prise sur un coup de tête. J'y réfléchis depuis un petit moment. J'en ai parlé avec ma famille, mes amis, mes anciens coéquipiers, ... Il fallait juste attendre le bon moment pour l'officialiser.

MC: Votre parlez de votre famille, de votre femme, de vos trois enfants, ... comment est-ce qu'ils ont réagi quand ils ont appris la nouvelle?

JS: Les enfants sont toujours un petit peu surpris. Ils m'ont dit: "mais pourquoi est-ce que tu arrêtes? Il y a quelque chose qui ne va pas?". Ils n'ont peut-être pas la notion de l'âge. Pour eux, je suis un hockeyeur. Ils n'ont connu que ça. C'est un peu bizarre de leur expliquer qu'on n'ira plus à la patinoire, que nos vies vont changer, ... mais ils ont tous compris. On va tous profiter de ces derniers mois. 

MC: Vous l'avez aussi annoncé à vos coéquipiers. Comment ça s'est passé?

JS: Je voulais le faire quand tout le monde était réuni, alors je l'ai fait après le match contre Davos (ndlr: le 7 décembre). Ils ont été incroyables. Comme toujours. Ils ont chanté. Ils m'ont serré dans leurs bras. Je leur ai rappelé que je n'arrêtais pas maintenant et qu'on avait encore une saison à jouer. On va vraiment essayer de profiter jusqu'au bout. On fera les comptes à la fin. On pleurera à la fin. 

MC: Est-ce que vous en avez parlé avec Andrei Bykov?

JS: On en a parlé, parce qu'on est très proches et parce qu'on parle de tout. C'est certainement la personne qui me connait et me comprend le mieux, mais je ne lui ai pas demandé de conseils. Mon rêve, ça aurait été de pouvoir finir avec lui, mais on ne va pas réécrire l'histoire. C'est quelqu'un qui compte beaucoup. Il est lié à tous mes meilleurs souvenirs sportifs. Bientôt, on ira voir les matchs tous les deux. Avec un petit peu moins de pression. On profitera différemment. 

MC: Est-ce que vous avez décidé de l'annoncer au milieu de la saison pour pouvoir profiter plus librement?

JS: Oui et non. J'ai pris la décision de mon côté. Ensuite, il a fallu le dire au club. J'ai laissé les dirigeants me dicter leur calendrier. Je voulais juste que ça soit fait avant les fêtes. Parce qu'on me posait souvent la question: "est-ce que c'est ta dernière? est-ce que tu vas continuer?". Je ne voulais pas trop attendre. Maintenant, on va plutôt me parler de ce que j'ai vécu avec Gottéron, mais je suis en paix avec moi-même. Je suis prêt à affronter cette nouvelle étape.

MC: Pourquoi l'avoir annoncé depuis votre canapé? Pourquoi avoir invité les journalistes chez vous? Pourquoi ne pas avoir fait ça à la patinoire, avant un match, comme quand un joueur prolonge avec le club?

JS: J'en ai déjà fait des prolongations de contrat à la patinoire, dans un cadre professionnel et strict. Là, j'avais plutôt à cœur de faire quelque chose qui me correspond. C'est chez moi. C'est simple et authentique. Mon métier, ce n'est pas que de marquer des buts et de jouer au hockey. Il y a tout un univers autour. Les médias en font partie. Il y a beaucoup de journalistes que je côtoie depuis des années. C'était important pour moi de faire ça avec eux, dans un endroit un peu plus intime.

MC: Mercredi soir, ça aurait dû être un match contre Ajoie comme un autre. Au final, ça sera forcément spécial. Vous vous attendez à quoi?

JS: Je n'ai pas d'attente. Je ne laisse pas beaucoup de temps au public pour préparer quelque chose de spécial. Durant toute ma carrière, j'ai reçu beaucoup d'attention et d'amour. Alors, j'ai essayé de donner tout ce que je pouvais pour ce maillot, d'être la meilleure version de moi-même pour ce club, de rester accessible, ... Ça va dans les deux sens. La communion avec les fans a toujours été extraordinaire. Tout ce que je vais recevoir, je vais le prendre. Le compte à rebours a commencé. Je vais m'imprégner de tout ça au maximum.  

MC: Il vous reste une trentaine de matchs à jouer. Comment avez-vous envie de les vivre?

JS: Récemment, on a joué contre Bienne et contre Ajoie. Ces deux patinoires, je n'y retournerai certainement jamais. C'est des réflexions que je commence à me faire. Mercredi, ça sera sûrement la dernière fois que je jouerai contre Killian Mottet. Avec lui aussi, j'ai eu une jolie histoire. C'est un ami. C'est ce qui est beau avec ce sport. On crée des liens pour la vie, on vit des moments qui marquent, ... Mais je ne vais pas essayer de chercher des moments nostalgiques dans chaque match que je vais encore jouer.

MC: Est-ce qu'il y a un feu qui brûle encore plus fort en vous? qui vous dit d'aller chercher ce titre une bonne fois pour toutes?

JS: C'est maintenant ou jamais. Je ne peux plus repousser. Quand on a encore quatre ans de contrat ou qu'on est jeune, on se dit: "ce n'est pas cette année, mais ça va venir". Je ne peux plus me dire ça. Alors je vais faire de mon mieux pour que tout le monde soit au top de sa forme. Si ça marche, ça serait génial. Ça serait un honneur pour moi. On est sur le bon chemin. Tôt ou tard, Gottéron sera champion. 

MC: Est-ce que vous avez un peu peur de l'avenir? de voir votre vie changer?

JS: Oui. Il y a une certaine inconnue. Je ne sais pas trop ce qui m'attend après. Le hockey, c'est ma vie depuis j'ai quatre ans. Je suis professionnel depuis 2002. Je ne connais que ça. Le sport dicte mon quotidien et même toute ma vie. Il y a des peurs, mais il y a aussi des choses dont je me réjouis. 

MC: Ce qui est sûr, c'est que vous allez rester au club. Qu'est-ce que vous envisagez de faire?

JS: J'ai commencé à réfléchir à mon après-carrière il y a déjà quelques années. J'avais fait des stages dans l'administration de Gottéron. J'ai passé un brevet fédéral. J'ai essayé d'anticiper tout ça en remplissant un peu ma boîte à outils. Maintenant que l'annonce est officielle, je pense qu'on va pouvoir, à partir du début de l'année 2026, continuer à discuter avec les dirigeants pour trouver quelque chose qui me correspond. Gottéron, c'est toute ma vie. J'ai envie de continuer à transmettre nos valeurs et nos émotions.

RadioFr. - Marie Ceriani
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