Jusqu'où ira Vladimir Poutine?

Selon le professeur de l'Unifr Jean-François Fayet, l'Ukraine n’est que le lieu qui cristallise les tensions entre la Russie et l'Occident.

Pour Jean-François Fayet, l'aspiration occidentale de l'Ukraine a accéléré le désir de Poutine d'avoir un résultat diplomatique ou militaire dans le pays. © KEYSTONE

Alors que l'invasion en Ukraine a commencé il y a une semaine, que plusieurs villes du pays sont encerclées par l'armée russe et que les bombardements visent désormais également des bâtiments civils. "Ce à quoi nous assistons en ce moment pourrait être l’aboutissement d’un processus qui remonte à près d’une vingtaine d’années", explique Jean-François Fayet, Professeur d'histoire contemporaine à l'Université de Fribourg.

Selon ce dernier, les tensions ne sont pas si récentes que ça. "C'est une relation frustrée entre la Russie et l'Occident qui remonte à 1999, lorsque l'OTAN s'élargissait une première fois et que Belgrade était bombardée dans le cadre de la guerre du Kosovo. La Russie a compris à ce moment-là que l’OTAN, loin d’être une alliance uniquement défensive, était susceptible de menacer les intérêts russes."

Arrivée de Poutine

Avec l'arrivée de Poutine au pouvoir en 2000, un certain rapprochement est désiré avec l'Occident. Un objectif commun semble d'ailleurs nourrir les différentes parties. Rapidement, de nouveaux élargissement de l'Organisation transatlantique occidentale ainsi que différentes révolutions d'anciens pays satellites de l'ancienne Union soviétique, - en Géorgie, en Ukraine ou au Kirghizstan -, ont donné l'impression à Poutine que la situation n'évoluait que dans un sens.

"Le problème, c’est que Poutine interprétait déjà le processus d’évolution de l’Ukraine comme défavorable depuis 8 ans", précise encore Jean-François Fayet. "Plus le temps passe, plus l’aspiration occidentale de l’Ukraine ne cesse de se renforcer. C’est vraisemblablement ce qui a accéléré le désir qu’il y ait un résultat diplomatique ou militaire."

Favoriser un nouveau rapport de force

Jusqu'où ira Vladimir Poutine? Selon le professeur de l'Université, la guerre que mène la Russie relève d'une certaine logique connue. En bombardant les zones résidentielles, en poussant les civils à l'exil et en détruisant les infrastructures militaires et celles de communication, l'objectif de Poutine est de mettre l'Ukraine à genoux afin de favoriser un nouveau rapport de force qui lui sera favorable. "Poutine souhaite renverser le gouvernement en place afin d'y placer un gouvernement pro-russe qui renoncerait définitivement à toutes les questions de rapprochement avec l'OTAN. Ça semble être l'objectif le plus probable", s'exclame Jean-François Fayet. 

Selon le spécialiste de la Russie de l'université, la situation que connaît l'Ukraine pourrait d'ailleurs ne pas être unique. "L'Ukraine n’est que le lieu qui cristallise les tensions entre la Russie et l’Occident. D'autres tensions pourraient survenir sur des territoires souverains indépendants et périphériques de la Russie.

Défense européenne commune

Si une Troisième Guerre mondiale n'est pas forcément crédible, le professeur d'histoire contemporaine tient tout de même à préciser que les acteurs de l'OTAN ont sans cesse souhaité souligner le fait qu'ils n'étaient pas en guerre contre la Russie. Celle-ci a également informé qu'elle était également une puissance nucléaire. "J'espère que tout le monde gardera à l'esprit la grandeur des enjeux d'un tel conflit."

Le président russe ne s'attendait d'ailleurs pas à une telle union des Etats européens face au conflit. La surprenante unanimité de l'Union européenne face à la Russie, de même que les conséquences d'un conflit nucléaire, ont pu freiner les ardeurs des différentes parties. De plus, la situation aura poussé les pays européens, la Suisse notamment, à se reposer la question d'une défense européenne commune. "Ils se sont rendus compte que dans des situations similaires, les Etats-Unis ne seraient pas prêts à accourir pour leur venir en aide sur le champ." En Suisse, la volonté d'augmenter les dépenses militaires avait d'ailleurs déjà été débattue. En effet, l’acquisition de nouveaux avions de combat F-35 va dans ce sens-là.

Ecouter l'entretien en entier:

RadioFr. - Loïc Schorderet / Adaptation web: Luca Poli
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