Le grand hôpital de Gaza évacué

Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé la mort de plus de 80 personnes dans deux frappes de l'armée israélienne sur un camp de réfugiés géré par l'ONU à Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza dévasté par les combats entre Israël et le mouvement islamiste.

Les soldats israéliens, qui mènent pour le quatrième jour consécutif un raid sur l'hôpital al-Chifa, avaient ordonné via haut-parleur samedi matin son évacuation "sous une heure" (archives). © KEYSTONE/AP/Israel Defense Forces

Au 43e jour du conflit, samedi, des centaines de personnes ont par ailleurs évacué le plus grand hôpital de Gaza, également dans le nord du territoire palestinien, où se trouvaient de nombreux malades, médecins et déplacés pris au piège depuis des semaines par les combats.

La première frappe dans le camp de Jabaliya a touché à l'aube l'école al-Fakhoura qui abrite des déplacés, faisant au moins 50 morts, a indiqué à l'AFP un responsable du ministère de la Santé du Hamas. Des images diffusées sur les réseaux sociaux, qui n'ont pas été authentifiées dans l'immédiat par l'AFP, montrent des corps, certains couverts de sang, d'autres de poussière, dans les étages du bâtiment où des matelas avaient été installés sous des tables d'écoliers.

La seconde frappe, qui a touché une maison du camp de Jabaliya, a tué 32 membres d'une même famille, dont 19 enfants, a indiqué le ministère en diffusant la liste des noms de la famille Abou Habal.

Contactées par l'AFP, ni l'armée israélienne ni l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) n'ont commenté dans l'immédiat les allégations du ministère de la Santé.

Succession de frappes

Début novembre, le gouvernement du Hamas avait annoncé que plus de 200 personnes étaient mortes en trois jours dans des bombardements israéliens sur Jabaliya, le plus grand camp de réfugiés du territoire.

Dans la nuit de vendredi à samedi, un autre bombardement avait touché Khan Younès, faisant au moins 26 morts selon le directeur de l'hôpital Nasser de cette ville du sud de la bande de Gaza.

Les frappes de représailles sur Gaza sont incessantes depuis que le Hamas a mené le 7 octobre une attaque d'une ampleur et d'une violence inédites sur le sol israélien qui a fait 1200 morts, en majorité des civils, et enlevé avec d'autres groupes armés environ 240 personnes, selon les autorités israéliennes.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, les frappes israéliennes ont tué au moins 12'000 civils palestiniens, dont 5000 enfants.

Hôpital évacué

Dans la matinée, des centaines de malades accompagnés de personnel médical et des déplacés qui avaient trouvé refuge dans l'immense complexe de l'hôpital al-Chifa, situé dans l'ouest de la ville de Gaza, en sont sortis à pied, a indiqué un journaliste de l'AFP sur place.

L'hôpital n'avait plus ni électricité, ni eau, ni nourriture depuis plusieurs jours mais les responsables refusaient d'évacuer sans garanties de sécurité.

Ils ont pris la direction de la route Salaheddine, qui mène vers le sud de Gaza où l'armée israélienne enjoint la population de se réfugier.

Sur le chemin, le journaliste de l'AFP a vu au moins une quinzaine de corps, certains en état de décomposition avancée. Alentour, les routes sont défoncées, les magasins détruits, des voitures retournées ou écrasées.

Six médecins vont toutefois rester à l'hôpital pour prendre soin de 120 malades et des bébés prématurés qui ne peuvent pas être transférés, a dit l'un d'entre eux, le Dr Ahmed el-Mokhallalati, sur X.

Selon l'armée israélienne, qui a lancé mercredi matin un raid sur l'hôpital al-Chifa, il abrite un repaire du Hamas installé notamment dans un réseau de tunnels, ce que le mouvement islamiste palestinien dément.

"Injustifiable"

Israël, qui a juré "d'anéantir" le Hamas, mène en parallèle aux bombardements des opérations terrestres depuis le 27 octobre. Ils se concentrent jusqu'ici dans le nord du territoire, dans la ville de Gaza transformée en champ de ruines et autour des hôpitaux. L'armée accuse le Hamas de les utiliser comme des bases et de se servir des malades comme de "boucliers humains".

Le territoire est placé depuis le 9 octobre en état de "siège complet" par Israël, qui a coupé les livraisons de nourriture, d'eau, d'électricité et de médicaments passant par le terminal de Rafah, à la frontière avec l'Egypte dans le sud de Gaza. Selon le Hamas, 24 des 35 hôpitaux de Gaza ont cessé fonctionner.

Face aux pénuries, la population est confrontée "à un risque immédiat de famine", a averti le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies.

A New York, le patron de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a critiqué "l'échelle de la réponse d'Israël de plus en plus injustifiable".

Selon l'ONU, plus des deux tiers des 2,4 millions d'habitants de la bande de Gaza ont été déplacés par la guerre. La plupart ont fui vers le Sud en emportant le minimum et survivent dans le froid qui s'installe.

A la demande des Etats-Unis, Israël a autorisé vendredi l'entrée quotidienne de deux camions-citernes dans le territoire. Une cargaison de 17'000 litres est arrivée au terminal de Rafah pour ravitailler les générateurs électriques des hôpitaux et des réseaux de télécommunications, selon la partie palestinienne du terminal.

Israël refusait jusqu'ici de laisser passer l'essence, affirmant que cela pourrait profiter aux activités militaires du Hamas, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007 et est classé comme organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël.

"50% des besoins quotidiens"

Mais ces livraisons ne représentent qu'une petite partie des quantités, soit 50 camions, qui pénétraient quotidiennement à Gaza avant le début de la guerre, selon l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa).

"Les Israéliens n'ont autorisé que 50% des besoins quotidiens en carburant pour l'aide humanitaire de première nécessité", a commenté sur X le patron de l'agence onusienne, Thomas White. "Les gens n'auront que deux tiers de leurs besoins quotidiens en eau potable".

Selon l'Unrwa, 70% de la population n'a pas accès à l'eau potable dans le sud du territoire, où les égouts ont commencé à se déverser dans les rues, les stations d'épuration ayant cessé de fonctionner faute de carburant.

Alors que des négociations sur la libération des otages se tiennent via une médiation du Qatar, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu refuse tout cessez-le-feu tant qu'ils n'auront pas tous été relâchés.

Un haut conseiller du président américain Joe Biden pour le Moyen-Orient, Brett McGurk, a abondé dans le sens d'Israël, dont Washington est un allié inconditionnel: "la libération d'un grand nombre d'otages entraînerait (...) une pause significative dans les combats et un afflux massif d'aide humanitaire", a-t-il dit lors d'une conférence à Bahreïn.

En Israël, un cortège de 25'000 personnes réclamant leur libération, selon ses organisateurs, est arrivé samedi après-midi à Jérusalem, après cinq jours de marche, pour se rassembler devant les bureaux de M. Netanyahu.

Les corps de deux femmes otages ont été retrouvés cette semaine dans des bâtiments près de l'hôpital al-Chifa. L'armée a également perdu 51 soldats, morts au combat à Gaza.

Les tensions sont aussi vives en Cisjordanie où 12 Palestiniens dont dix identifiés comme des membres de groupes armés, ont été tués dans une frappe aérienne et par des tirs israéliens, selon des sources palestiniennes et israéliennes.

Dans le territoire occupé depuis 1967 par Israël, environ 200 Palestiniens ont été tués par des colons et des soldats israéliens depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la Santé.

ATS
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