Coup de jeune au Musée de Morat
L'institution accueille pour la première fois des artistes en résidence. Six talents présentent leurs œuvres dans une exposition.
Pour la première fois de sa longue histoire, le Musée de Morat propose une résidence d'artistes. Pendant trois semaines de septembre à octobre, six jeunes ont pu s'approprier le bâtiment de l'ancien moulin pour expérimenter, interagir et créer. Il en résulte une exposition de plus de 20 œuvres, intitulée "Au-delà du souvenir". À découvrir jusqu'au 18 décembre.
"Le musée ne doit pas seulement être un espace de présentation, mais aussi un espace de création", estime le conservateur Denis Decrausaz. Outre sa mission de conservation, l'engagement en faveur de l'art jeune revêt une grande importance. "Je veux que le musée soit aussi un lieu vivant où les jeunes artistes trouvent de l'inspiration et un espace de travail."
L'idée de la résidence vient d'un échange entre Denis Decrausaz et Maxime Barras, le fondateur du magazine fribourgeois "État Des Choses", qui offre une plateforme aux réflexions littéraires et artistiques sur le présent.
"Les six contributeurs sont issus de l'entourage du magazine", explique l'entrepreneur. "Pour eux, cette résidence dans un contexte muséal, avec d'autres artistes, est une expérience exceptionnelle". Les jeunes talents disposent en effet rarement d'espaces pour la création et la présentation.
Diverses perspectives
En accord avec le thème principal du magazine "État Des Choses", les œuvres exposées au Musée de Morat sont chargées d'expression: les peintures abstraites de Bujar Dalipi, alias Gunflamm, qui décharge son orage intérieur sur la toile. Les objets d'ameublement transformés de la Fribourgeoise Noémie Balazs, qui s'est inspirée de ses déménagements. Les grands formats très scéniques d'Aladin Commend et de Thomas Sauser, qui utilisent des techniques transcendant les époques.
La particularité du Musée de Morat est l'intégration des nouvelles œuvres dans l'exposition existante. Cette juxtaposition d'objets et d'œuvres d'art au langage visuel, aux points de référence et à la temporalité différents génère en outre un espace d'interprétation captivant, dans lequel résonne la question de la mémoire et de l'appartenance évoquée dans le titre de l'exposition.
Les œuvres des résidents stimulent, soulèvent des questions et provoquent des changements de perspective. La sculpture de Naomi Gamarra, par exemple, évoque une sirène. Une image qui a été reproduite par diverses cultures au cours de l'histoire.
L'artiste multimédia de 23 ans aux origines boliviennes s'est penchée sur les mythes, les légendes et les divinités qui existaient avant l'invasion des colonialistes européens et qui ont été réinterprétés par ces derniers. Dans son œuvre, elle s'interroge sur "la manière dont les symboles, les images et leur interprétation modifiée dans un contexte donné influencent les communautés".
Saut dans l'inconnu
Le temps et l'espace d'une résidence génèrent souvent une focalisation plus aiguisée. Pour l'œuvre de Min Deng, 21 ans, cela signifie avant tout une introspection. L'artiste est arrivé à Fribourg il y a environ six ans, après avoir vécu au Chili, en Chine et en Californie. "Je n'avais pas d'amis en Suisse. Dessiner, c'était une connexion avec moi-même."
Pour l'exposition au musée de Morat, Min Deng a notamment créé un grand format aux couleurs intenses et expressives, qui a été réalisé sur le sol en pierre du musée. "Le contexte de la résidence favorise une création plus focalisée, plus intuitive et peut-être plus sincère", ajoute-t-il.
Une approche moins cérébrale et plus spontanée qui a également joué un rôle important dans le lancement de ce projet de résidence. "Au départ, nous n'avions même pas de titre pour l'exposition", explique Maxime Barras. Le Musée de Morat espère reconduire le projet, pour rendre ses murs encore plus vivants.