Les équations d'Einstein mises à l'épreuve de l'univers

Des chercheurs ont analysé 100 millions de galaxies, révélant des incompatibilités avec les prédictions d'Einstein dans certaines périodes de l'histoire de l'univers.

Une image prise par le télescope spatial Euclid montre une image en couleur d'une partie du cosmos avec des milliers d'étoiles et de galaxies. © KEYSTONE/ESA

En calculant la distorsion du temps et de l’espace, une équipe franco-genevoise a mis à l'épreuve les prédictions d'Albert Einstein. Ces résultats, publiés dans la revue Nature Communications, interrogent la validité des théories du célèbre physicien pour expliquer les phénomènes à l’œuvre hors du système solaire, à l’échelle de l’univers.

Grâce à une utilisation inédite des données du Dark Energy Survey - un programme international de relevé de la forme de centaines de millions de galaxies - une équipe des universités de Genève (UNIGE) et de Toulouse III – Paul Sabatier apporte de nouveaux éléments.

Jusque-là, les données du Dark Energy Survey étaient utilisées pour mesurer la distribution de la matière dans l’univers. "Dans notre étude, nous les avons utilisées pour mesurer directement la distorsion du temps et de l’espace, et ainsi comparer nos résultats avec les prédictions d’Einstein", explique Camille Bonvin, professeure associée au Département de physique théorique de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux.

Les données du Dark Energy Survey permettent de regarder très loin dans l’espace, et donc très loin dans le passé. L’équipe franco-suisse a ainsi pu effectuer des analyses sur 100 millions de galaxies, à quatre moments différents de l’histoire de l’Univers: il y a 3,5, 5, 6 et 7 milliards d’années.

Ces mesures ont permis de savoir comment les puits gravitationnels - des déformations provoquées par la gravité des corps célestes - croissaient au cours du temps, sur une période qui couvre plus de la moitié de l’histoire du cosmos.

Nouvelles données

"Nous avons découvert que très loin dans le passé, il y a 6 et 7 milliards d’années, la profondeur des puits est complètement compatible avec les prédictions d’Einstein. En revanche, dans la période plus proche d’aujourd’hui, il y a 3,5 et 5 milliards d’années, ils sont un peu moins profonds que prédit par Einstein", révèle Isaac Tutusaus, de l’Université Toulouse III – Paul Sabatier, premier auteur de l’étude, cité lundi dans un communiqué de l'UNIGE.

C’est aussi dans cette même période "proche" d’aujourd’hui que l’expansion de l’Univers s’est mise à s’accélérer. Il est donc possible que la réponse à ces deux étranges phénomènes - l’accélération de l’Univers et la croissance plus lente des puits gravitationnels - soit la même: la gravitation pourrait répondre, à grande échelle, à des lois physiques différentes de celles d’Einstein.

Cette incompatibilité n’est toutefois pas assez grande, à ce stade, pour réfuter la théorie d’Einstein, selon les auteurs. L’équipe prépare l’analyse des nouvelles données du télescope spatial Euclid, lancé il y a un an. Euclid observant l’Univers depuis l’espace, ses mesures sont beaucoup plus précises.

De plus, Euclid va observer un nombre phénoménal de galaxies: autour d’un milliard et demi sont attendues après six ans d’observation. Ceci permettra de mieux mesurer les distorsions spatio-temporelles, de remonter encore plus loin dans le temps, et de mettre davantage à l’épreuve les équations d’Einstein.

ATS
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