Les familles d'accueil sous la loupe des chercheurs

Les professeures Annamaria Colombo et Béatrice Lambert ont mené une étude sur les conditions de placement en famille d'accueil en Suisse.

Dans certaines situations de placement, l'avis de l'enfant concerné n'est pas pris en compte pour la décision finale. © La Télé

La Télé: Cette étude est une première nationale, on peut se demander pourquoi cela n'a pas été fait avant.

Annamaria Colombo: Dans l'histoire, des recherches sur le placement des enfants en Suisse ont déjà été menées, mais de manière dispersée, avec notamment un focus sur les placements en foyer plutôt que dans les familles d'accueil. Il n'y a surtout pas eu de grandes enquêtes coordonnées sur l'ensemble de la Suisse. Il existe une ordonnance fédérale sur le placement qui donne une direction générale, mais dans les faits, les cantons ont une grosse marge de manœuvre.

L'étude atteste justement de la liberté que prennent les cantons. Finalement, il n'existe pas de système de placement idéal.

Béatrice Lambert: Non, et heureusement. Chaque canton peut avoir sa propre vision en matière de protection de l'enfance et de mesure de placement, car chacun doit les adapter à ses besoins. Dans les États plus petits, la famille est le noyau central du dispositif, tandis que pour les plus grands, il s'agit, en principe, d'une organisation plus centralisée, dirigée par le pouvoir cantonal.

Ces différences entre les cantons ne risquent-elles pas de se répercuter sur les enfants placés, leurs parents, mais également les familles qui les accueillent? 

A.C.: Ce qui ressort de notre étude, c'est qu'il n'existe pas de système miracle qui fonctionne à l'universel. Il s'agit d'une combinaison de conditions que nous avons identifiées comme favorables au processus de placement. Par leur rôle prépondérant dans le processus, le soutien aux familles d'accueil est primordial. Cependant, notre étude a permis de constater que cela est fait de manière inégale entre les cantons, mais aussi parfois au sein d'un même État. L'accompagnement est souvent assuré, notamment en Suisse allemande, par des prestataires privés. De fait, plus il y a d'acteurs différents, plus il y aura de manière de faire.

Dans votre étude, vous proposez un schéma de développement en cinq axes (voir ci-dessus). Est-ce important de donner la parole aux enfants en priorité, bien que cela ne soit pas toujours fait?

B.L.: Oui, tout à fait, mais au milieu de toutes les procédures qui le concernent, il est souvent difficile de le faire. Une première disparité est constatable entre les placements volontaires et les placements ordonnés. Dans ce dernier cas, il est plus habituel de prendre en considération l'avis de l'enfant. Au contraire, dans les placements volontaires, les parents oublient, la plupart du temps, de considérer l'avis de l'enfant concerné.

Dans votre étude, vous évoquez également un manque global de transparence. A-t-il été constaté dans tous les cantons?

A.C.: Oui. De multiples acteurs interviennent dans le processus, entre les curateurs, les communes, les services spécialisés selon les cantons — à Fribourg, il s'agit du Service de l'enfance et de la jeunesse (SEJ) — ou même des prestataires privés. Cette pluralité des intervenants peut donner lieu à une confusion des rôles entre les professionnels eux-mêmes si ceux-ci ne sont pas clarifiés. D'un autre côté, les familles et les enfants ne savent pas non plus à qui s'adresser en cas de besoin. Fort heureusement, le système fonctionne, malgré tout, assez bien, mais le manque de clarté s'observe quand même dans tous les cantons.

Dans le canton de Fribourg, le SEJ recense 161 enfants placés dans 144 familles d'accueil. Cela implique des ressources financières et de temps.

B.L.: Effectivement, la préparation des trois parties que sont la famille d'accueil, la famille de l'enfant placé, et l'enfant lui-même prend déjà du temps. Or, le processus ne s'arrête pas au moment du placement, mais continue une fois qu'il est effectué. Le passage à la majorité est, d'ailleurs, une période à prendre en compte, où dans certains cas, les jeunes adultes devront financer eux-mêmes leur placement. Tous ces paramètres suscitent des questions auxquelles il faut se préparer.

La Télé - Camille Tissot
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