Les papilles comme outil de travail

Christophe Magne est taxateur-contrôleur à l'Interprofession du Gruyère. Son job: goûter la pâte des fromages pour en vérifier la qualité.

Environ 6'000 meules sont entreposées dans la cave de l'Interprofession du Gruyère. © RadioFr.

Ambiance fraîche - il fait environ 14 degrés - et pleine d'arômes, ceux des quelques 6'000 meules de fromage qui prennent tranquillement de l'âge dans la cave de l'Interprofession du Gruyère à Pringy. C'est là que Christophe Magne exerce sa profession de taxateur-contrôleur.

Un titre un peu rébarbatif pour un job plutôt sympathique. Une semaine par mois, le Glânois teste une partie de la production en affinage. Un moment important... et gourmand !

Ses outils: sonde et papilles

"On déguste environ 10% de chaque lot et on les note par rapport au goût et à la qualité de la pâte", précise l'ancien fromager. Mais même si l'envie nous prend de tailler un joli morceau dans ces belles pièces rondes et dorées, il y a des étapes à respecter. Et un outil à utiliser: la sonde ! Avec le côté marteau, Christophe Magne donne quelques coups sur une meule. Si il y a une mauvaise résonance, plusieurs explications: des petits trous ou même une faille dans la pâte, indiquant la présence de bactéries  indésirables.

Tout va bien pour le fromage examiné, on peut donc passer aux choses sérieuses: la dégustation ! Mais là encore, pas de précipitation. La sonde, toujours elle, permet à l'expert d'extraire une "carotte" de fromage, qu'il plie en deux jusqu'à rupture. Une méthode efficace pour apprécier l'élasticité de la pâte. "Comme on est sur un Gruyère, souligne Christophe Magne, la pâte doit avoir une certaine souplesse, mais comme c'est aussi un fromage à pâte dure, cette dernière doit aussi présenter une certaine résistance". Tout en écrasant un petit morceau de pâte entre ses doigts, le taxateur-contrôleur poursuit son explication "La pâte doit fondre dans la bouche mais pas coller au palais". Et bien on ne demande qu'à voir ou plutôt qu'à enfin goûter !

Bannir l'ail et éviter le petit déjeuner

Oui mais attention, pas question de mordre à pleines dents dans le morceau de fromage convoité. Mais plutôt d'en écraser délicatement une parcelle sur son palais avec la langue et de prendre son temps. "Il faut que la bouche s'imprègne de toutes les saveurs, explique Christophe Magne, on expire ensuite par le nez, pour nous donner non seulement le goût du Gruyère mais aussi tous ses arômes".

Donc vous l'aurez compris, faire une dégustation enrhumé, ce n'est pas terrible. Il faut en effet être en forme pour goûter. Eviter aussi de manger de l'ail et ne pas se coucher trop tard la veille des taxations, autrement dit des tests. Et puis il vaut mieux faire l'impasse sur le petit déjeuner le jour-J, sachant qu'on va quand même "s'envoyer" entre 300 et 400 grammes de fromage par matinée.

Le mi-salé, son préféré

Bon alors, comment est-elle cette meule ? Alors selon le spécialiste, il s'agit d'un fromage très fruité mais encore très jeune et qui va développer toutes ses saveurs au fil des mois. En l'occurrence 6 ou 7 mois d'affinage pour un Gruyère AOP doux, une dizaine de mois pour un mi-salé - le préféré de Christophe Magne - et enfin plus d'un an pour un produit nettement plus corsé.

Sûr de lui, notre expert ! il faut dire que le fromage, il le pratique depuis de nombreuses années. D'abord comme fromager indépendant, ensuite comme responsable achat/vente de fromage dans une entreprise et depuis 8 ans comme taxateur-contrôleur à l'Interprofession du Gruyère. Il a eu le temps de se faire les papilles. Et n'hésite pas à les solliciter quand il déguste un nouveau plat, tentant d'identifier les différentes épices ou l'ingrédient secret. 

Et si vous aussi, vous êtes fin gourmets ou simplement curieux des saveurs, sachez que la semaine du goût se tient du 15 au 25 septembre dans le canton de Fribourg et ailleurs en Suisse.

RadioFr. - Sarah Camporini
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