Loi martiale levée en Corée du Sud
Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol a annoncé la levée de la loi martiale dans la nuit de mardi à mercredi, quelques heures après l'avoir proclamée en accusant l'opposition de constituer des "forces hostiles à l'Etat".
Cette annonce avait suscité inquiétude et désapprobation dans le monde, notamment des Etats-Unis, principal allié de Séoul face à la Corée du Nord et à la Chine. Le Parlement sud-coréen, dominé par l'opposition, avait voté la levée de la loi martiale, s'opposant frontalement au président, sous la pression des militaires et soutenu par des manifestants qui clamaient "Arrêtez Yoon Suk Yeol!".
Le gouvernement a finalement approuvé dans la nuit la levée de cette mesure d'exception, a affirmé l'agence nationale Yonhap, peu après une déclaration du président à la télévision qui annonçait que les troupes déployées dans Séoul allaient regagner les casernes.
"Il y a eu une demande de l'Assemblée nationale pour lever l'état d'urgence, et nous avons procédé au retrait des militaires qui avaient été déployés pour les opérations de loi martiale", avait déclaré M. Yoon. "Nous allons accéder à la requête de l'Assemblée nationale et lever la loi martiale lors d'une réunion du gouvernement", avait-il ajouté, suscitant aussitôt des cris de joie des manifestants réunis devant le Parlement.
"L'imposition par Yoon (de la loi martiale) sans raison légitime est un crime grave", a estimé un manifestant, Lim Myeong-pan, 55 ans. "Il a pavé son propre chemin vers la destitution".
L'imposition, plus tôt dans la journée, de la loi martiale, impliquait la suspension de la vie politique et la mise sous scellés du Parlement.
L'Assemblée, dominée par l'opposition, avait voté la levée de la loi martiale et déclaré la décision du président invalide, mais l'armée avait souligné qu'elle n'obéirait qu'aux décisions du président.
Avertissement américain
Les Etats-Unis, allié privilégié de Séoul face à la Corée du Nord et à la Chine, ont cependant dit souhaiter, dans la soirée, que la décision du Parlement soit "respectée".
"Nous espérons et attendons que les différends politiques soient résolus pacifiquement et dans le respect de l'Etat de droit" en Corée du Sud, a souligné Kurt Campbell, secrétaire d'Etat adjoint.
Les Nations unies, les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient dit leur inquiétude, tandis que la Chine appelait ses concitoyens en Corée du Sud à la "prudence". Le Kremlin, qui a resserré ses liens avec la Corée du Nord pour soutenir sa guerre contre l'Ukraine, avait jugé la situation "alarmante".
La Maison Blanche, à Washington, avait souligné ne pas avoir été informée à l'avance des intentions du président sud-coréen.
Yoon Suk Yeol avait déclaré mardi décréter la loi martiale "pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l'Etat", dans une allocution télévisée surprise.
Des hélicoptères avaient atterri sur le toit du parlement à Séoul, d'après des images en direct diffusées par les chaînes de télévision.
Le chef de l'opposition Lee Jae-myung avait qualifié la loi martiale d'"illégale" et appelé la population à se rassembler devant le parlement en signe de protestation.
L'imposition de la loi martiale par le président Yoon Suk Yeol "est invalide", avait déclaré celui qui avait perdu de justesse face à lui à la présidentielle de 2022, appelant la population à venir manifester devant le Parlement.
"J'ai décidé de venir ici pour protéger la démocratie, pas seulement pour nous mais aussi pour nos enfants", avait déclaré à l'AFP dans la foule Lee Jin-hwa, 48 ans.
Quelque 190 députés étaient parvenus à entrer dans l'Assemblée, après en avoir été brièvement empêchés par des soldats qui avaient fini par quitter les lieux. Ils avaient voté à l'unanimité en faveur d'une motion bloquant l'application de la loi martiale et appelant à sa levée.
"Renverser le cours de l'histoire"
"Le recours à la loi martiale ressemble presque à un geste de désespoir pour tenter de s'en sortir, tant sur le plan politique que sur celui de la politique générale, mais c'est vraiment mal joué sur les deux fronts", a estimé Alan Yu, ancien diplomate américain en Asie qui travaille actuellement au Center for American Progress.
Il a souligné que le président sud-coréen était aujourd'hui "un dirigeant profondément impopulaire".
Vladimir Tikhonov, un professeur d'études coréennes à l'université d'Oslo, a lui aussi estimé que la décision de M. Yoon était une "tentative de retourner le cours de l'histoire".
"Je ne pense pas que la société civile de la Corée du sud puisse considérer dorénavant M. Yoon comme un président légitime", a-t-il avancé.
Le Parti du Pouvoir au Peuple de M. Yoon bataille avec le principal parti d'opposition, le Parti Démocrate, sur le projet de budget de l'année prochaine.
Les députés de l'opposition ont approuvé la semaine dernière, à travers une commission, un programme budgétaire considérablement réduit.
"Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels, un repaire de dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes administratif et judiciaire et à renverser notre ordre démocratique libéral", avait affirmé M. Yoon pour justifier l'instauration de la loi martiale.
Il avait accusé les élus de l'opposition de couper "tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation qui sont la lutte contre les crimes liés à la drogue et le maintien de la sécurité publique (...) transformant le pays en un paradis de la drogue et en un lieu de chaos pour la sécurité publique".