Macron se donne cent jours

Après trois mois de crise sociale, le président Emmanuel Macron, qui a réussi à faire passer son impopulaire réforme des retraites, a assuré lundi "entendre la colère" des Français. Il a promis d'apaiser le pays, un discours immédiatement rejeté par l'opposition.

Emmanuel Macron annonce vouloir bâtir un "nouveau pacte de la vie au travail" dans les prochaines semaines. (archives) © KEYSTONE/AP/Thibault Camus

"Cette réforme était nécessaire", a réitéré M. Macron dans une allocution télévisée solennelle, deux jours après la promulgation de la loi et de sa mesure phare, le recul de l'âge de départ à la retraite de 62 à 64 ans, rejetée par la majorité des Français.

Le chef de l'Etat a cependant assuré "entendre" la colère qui s'est manifestée dans le pays depuis janvier, lors de douze journées de grèves et de manifestation, et qui reste toujours très vive.

Son allocution a d'ailleurs été accueillie par des concerts de casseroles de manifestants déterminés à montrer qu'ils ne souhaitaient pas l'écouter, parfois suivis de manifestations sauvages émaillées de dégradations, ont constaté des journalistes de l'AFP.

"A l'évidence cette réforme n'est pas acceptée", et "personne ne peut rester sourd" à cette colère, a-t-il déclaré, usant d'un ton plus conciliant après des mois de tension avec les organisations syndicales, la rue et l'opposition politique.

Désireux de passer à autre chose et de sortir d'une crise qui a englué le début de son second quinquennat, le chef de l'Etat a promis l'ouverture de nouveaux chantiers et s'est donné lundi "cent jours" pour lancer un plan d'"apaisement" et "d'action" d'ici le 14 juillet.

"Apaisement"

"Nous avons devant nous cent jours d'apaisement, d'unité, d'ambition et d'action au service de la France, c'est notre devoir et je nous fais confiance, je vous fais confiance pour y arriver", a-t-il dit.

Le chef de l'Etat a annoncé vouloir "bâtir un nouveau pacte de la vie au travail" et a répété qu'il était prêt à recevoir les syndicats qui voudraient en discuter avec lui.

Les négociations porteront sur la nécessité "d'améliorer les revenus" salariés, "faire progresser les carrières", "mieux partager les richesses", "améliorer les conditions de travail", "trouver des solutions à l'usure professionnelle" ou encore "aider à la reconversion".

Le président français a aussi annoncé vouloir s'attaquer à plusieurs autres dossiers pour améliorer la vie des Français: école, délinquance, engorgement des services d'urgence et fraude sociale, et promis de "renforcer le contrôle de l'immigration illégale".

La Première ministre Elisabeth Borne détaillera une feuille de route "dès la semaine prochaine", a-t-il dit.

Volée de bois vert

Mais cette volonté d'apaisement a immédiatement été rejetée par les principaux ténors de l'opposition.

La cheffe de l'extrême-droite Marine Le Pen, principale bénéficiaire dans les sondages de la crise, a dénoncé une "pratique déconnectée, solitaire et obtuse du pouvoir", qui annonce selon elle "la poursuite d'un quinquennat de mépris, d'indifférence et de brutalité".

"Par l'annonce du retrait de la réforme des retraites ou du référendum, Emmanuel Macron aurait pu ce soir retisser le lien avec les Français. Il a choisi de nouveau de leur tourner le dos", a-t-elle ajouté.

"Irréel Macron. Complètement hors de la réalité, assume le vol de deux ans de liberté. Les casseroles sonnent plus juste", a estimé le chef de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon en référence à l'appel de certains opposants à frapper sur des casseroles dans la rue au moment de l'allocution.

Le chef de la droite traditionnelle, Eric Ciotti, dont la formation est incontournable pour le gouvernement qui ne jouit que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale, a lui regretté un "catalogue de voeux pieux".

"La méthode manifestement ne change pas avec des objectifs louables mais sans la moindre remise en cause", a-t-il dit.

Depuis janvier, des centaines de milliers de Français ont défilé régulièrement contre le projet de réforme des retraites dans des manifestations parfois émaillées de violences, jusqu'à l'ultime épisode vendredi dernier avec la validation de l'essentiel de la réforme par le Conseil constitutionnel et sa promulgation au Journal officiel de samedi.

ATS
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