"Malgré les incertitudes, notre économie reste performante"
Alors que les fermetures d'entreprises se succèdent, on fait le point sur la situation de l'économie fribourgeoise aujourd'hui. Interview.
RadioFr. On a appris cette semaine que l'entreprise Kromatix - qui fabriquait des panneaux solaires colorés à Romont - est en liquidation. Cette nouvelle arrive après la faillite, en septembre 2024, de Progin à Bulle, de Sofraver à Avry, de Bossy Céréales à Montagny, de Schumacher à Schmitten. On a l'impression que cette année, les faillites se succèdent. Les chiffres confirment-ils ce ressenti?
Jerry Krattiger, directeur de la promotion économique du canton de Fribourg: A ce stade, le nombre de faillites enregistrées au registre du commerce est inférieur à celui de 2022 et 2023. On observe actuellement un pic, surtout en octobre, mais cela reste dans la fourchette des années précédentes. C'est vrai que ces entreprises sont connues et emblématiques, et leur disparition a été relayée dans les médias. Mais de manière générale, on ne remarque pas de hausse exceptionnelle du nombre de faillites dans le canton.
Si on regarde les autres indicateurs économiques, on voit que les exportations sont en baisse, le chômage en légère hausse, différentes entreprises ont recours au chômage partiel, les entrepreneurs se disent plus prudents sur les perspectives. Tous les signaux ne sont quand même pas au vert...
D'abord, le taux de chômage a certes augmenté dans le canton, mais, à 2,4%, on est quasiment en situation de plein-emploi. Ensuite, c'est vrai que le contexte géopolitique est compliqué. Les deux conflits en cours au Moyen-Orient et en Ukraine ont fait grimper les prix énergétiques. L'Allemagne est aussi entrée en récession, alors que c'est le premier partenaire commercial du canton de Fribourg. De plus, les incertitudes au niveau mondial ont créé une forte appréciation du franc suisse, ce qui rend les exportations plus difficiles.
Par conséquent, la conjoncture économique actuelle du canton vous inquiète-t-elle?
De manière générale, il faut se rappeler que la disparition d'entreprises est regrettable, mais c'est un phénomène normal, cela fait partie des cycles économiques. Ensuite, le PIB continue à croître, le canton est dans la moyenne nationale. Les chiffres au niveau des créations de sociétés sont bons. Certes, le secteur des machines et des outils et le secteur de l'horlogerie sont en difficulté, la demande a diminué. Mais il faut garder à l'esprit le fait que malgré ces incertitudes, le territoire du canton de Fribourg dispose d'une économie diversifiée, forte, performante et innovante.
On peut aussi penser à la force du secteur médical et pharmaceutique, ou à sa structure démographique...
Tout à fait. Fribourg dispose d'entreprises innovantes dans le domaine des sciences de la vie, des dispositifs médicaux, de la pharma. On peut citer UCB Farchim, Medistri, mais aussi Verfora, CordenPharma, Medion Grifols. Le canton peut aussi compter sur des forces importantes dans la bioéconomie, et le domaine du 4.0. Et puis ce qu'il faut aussi relever, c'est que nous avons la population la plus jeune de Suisse et une belle croissance démographique. C'est un avantage compétitif. Cela signifie que le canton est bien positionné dans ce que l'on appelle la guerre des talents, c'est-à-dire que nous avons des jeunes bien formés. Cela constitue une proposition intéressante pour les entreprises.
Vous dites que vous faites preuve d'un "optimisme prudent". Au sein de la Promotion économique, vous avez plus de recul, ça aide?
C'est vrai que chaque fermeture d'entreprise est douloureuse et que nous sommes dans une situation un peu compliquée. Mais le canton de Fribourg a déjà connu des périodes difficiles. Je pense au milieu des années 90 notamment, avec la fermeture de Ciba-Geigy à Marly et de la brasserie Cardinal, et la délocalisation de Tetrapak. Ces entreprises employaient des milliers de personnes. Ces mutations ont été un choc, parfois un traumatisme social, mais le canton de Fribourg a toujours su rebondir. Le site de Tetrapak par exemple est devenu la zone de la Maillarde, l'un des fers de lance de la politique foncière active du canton aujourd'hui. L'année 1996, c'est aussi le moment où UCB Farchim a choisi de s'implanter chez nous. Ces expériences nous permettent d'envisager l'avenir un peu plus sereinement.