Maurine Mercier: "Avec la peur, on limite les risques"

La journaliste vaudoise couvre le conflit ukrainien pour la RTS. Entretien par téléphone depuis le Donbass.

Maurine Mercier a remporté le prix Bayeux, qui récompense un correspondant de guerre pour la qualité de son travail journalistique. © DR

Depuis le mois d’août, la Lausannoise de 41 ans vit à Kiev, pour une durée de 4 ans au moins. Son moteur: tendre son micro pour faire entendre la voix des Ukrainiens. Actuellement, elle couvre la région du Donbass, à l'est. "C'est toujours compliqué de se rapprocher du front. Il faut gagner la confiance des militaires ukrainiens", explique-t-elle. Pour se faire comprendre, Maurine Mercier travaille notamment avec des traducteurs et des fixeurs qui l'aident à entrer en contact avec la population. "Je leur en suis très reconnaissante, car moralement, c'est un travail usant."

La barrière de la langue n'est pas la seule difficulté à laquelle la Vaudoise est confrontée. "C'est difficile de travailler, mais on s'organise. Moi, je suis dans du coton, je ne peux pas me comparer avec les Ukrainiens. Pour évacuer le stress, certains vous diront qu'ils sont sous anxiolytiques, mais d'autres continuent de faire du sport comme en temps de paix." En plusieurs mois, Maurine Mercier a vu le comportement des Ukrainiens évoluer. "Aujourd'hui, ils arrivent à rire du pire. C'est un exutoire."

Des récits de viols par dizaines

Entre les coupures internet et la difficulté des déplacements, les obstacles sont nombreux pour la reporter. Malgré tout, elle continue de faire ce qu'elle estime être son devoir, couvrir la guerre sur le long terme. "On est dans un pays en guerre, bien sûr que j'ai peur. Il faut. C'est comme ça qu'on reste attentif et qu'on limite les risques. Mais on comprend vite que des missiles peuvent tomber n'importe où, même à Kiev."

Avant l'Ukraine, Maurine Mercier était basée durant six années en Afrique du Nord, pour couvrir notamment le conflit libyen. "C'est bizarre de dire ça depuis l'Ukraine, mais il ne faut surtout pas oublier les souffrances qui arrivent ailleurs dans le monde." Elle a gagné de nombreux prix de journalisme pour la force de ses reportages. En octobre, elle est devenue la première journaliste suisse à remporter le Prix Bayeux des correspondants de guerre pour son reportage glaçant sur une mère de famille violée par des soldats russes à Boutcha. "Des récits de viols, j'en ai récolté des dizaines, en Ukraine et en Afrique du Nord", souffle-t-elle. Son travail résonne auprès du public aussi: début janvier, elle a été élue "personnalité de l'année" par les lecteurs du journal 24 Heures.

RadioFr. - Karin Baumgartner / Adaptation Web: Rémi Alt
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