RadioFr: Qu'avez-vous appris en tournant ce film documentaire?
Orane Burri: J'ai appris énormément de choses, parce que j'ai rencontré des gens extraordinaires. Ce film a surtout été une chance inouïe de se reconnecter à la forêt, d'une manière beaucoup plus profonde qu'avant. Avant, j'étais comme tout le monde, j'allais dans la forêt, je m'y promenais, j'allais griller des cervelas, des choses comme ça. Mais je ne regardais pas la forêt, je ne la connaissais pas. En s'y arrêtant, en essayant de la filmer - parce que ce n'est pas facile! - je l'ai découverte sous la pluie, dans le brouillard. Elle est magnifique, elle est là pour nous. C'est beau de retrouver ce lien.
Ce qui frappe, c'est la diversité de vos personnages. Il y a des ingénieurs forestiers, des scientifiques de la NASA, des politiciens, des Amérindiens d'Amazonie, des enfants... et tout ça, sans bouger de chez vous?
Oui, j'ai réussi à tout faire en tournant uniquement dans les forêts du Bas-du-Jura, les forêts neuchâteloises. Nous, en Suisse, on se dit tout va bien dans nos forêts. On est un exemple au niveau international. Mais est-ce que ça suffit? Assez vite, si on élargit un petit peu et qu'on va plus loin, on apprend beaucoup de choses. On réalise que peut-être ça ne va pas si bien, mais qu'on a tous un rôle à jouer pour faire mieux.
C'est un peu votre marque de fabrique: commencer avec du local pour aller vers le global, le poumon du monde; l'Amazonie. C'est important de montrer cet impact universel?
On habite sur la même planète, donc il y a un effet boomerang. Aujourd'hui, il y a un dérèglement climatique au niveau mondial. Peut-être, qu'on a su protéger nos forêts de manière exemplaire en Suisse, par contre, on est content d'aller profiter des lois qui sont différentes ailleurs, on ne se gêne pas de changer de canapé régulièrement, de manger trop de viande, par exemple, sans forcément penser à l'impact qu'il y a ailleurs, parce qu'on ne le voit pas. Dans ce film, il y a beaucoup de choses qu'on sait déjà, mais l'idée, c'était de les relier vraiment, d'aller voir quel est l'impact de ma façon de faire si on va plus loin.
Comment faire pour que ce ne soit pas trop anxiogène?
Il y a beaucoup de mauvaises nouvelles, ça, c'est sûr. Ce qui est important maintenant, c'est d'aller demander des comptes à ceux qui ont un effet de levier encore plus grand, au niveau des lois et de certains fonds de pension, par exemple. Les institutions suisses, nos banques, notre deuxième pilier, vont malheureusement grignoter l'Amazonie très fortement. C'est à nous de bouger pour aller leur demander des comptes [...] Il y a eu quelques avant-premières où il y avait beaucoup de monde et des super discussions derrière. On a essayé de refaire le monde et se poser des questions: c'est hyper dynamique, ça fait du bien. Il y a beaucoup de gens qui me disent: "merci, on ressort avec plein d'idées".
Le film se termine sur une scène optimiste, avec des enfants. Les enfants, eux, ont tout compris?
Je crois qu'ils sont beaucoup plus proches de la nature que nous et ils ont envie d'apprendre. Si nous, on leur apprend à respecter la nature, à la découvrir, à l'aimer, à la connaître, on aura beaucoup plus de chances qu'ils en prennent soin. Quand on leur apprend, nous aussi, on apprend. C'est vertueux pour tout le monde. Et je pense que c'est absolument important aujourd'hui de se relier à ça, parce que cette nature, c'est celle qui va nous permettre de vivre demain.
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"Inestimables forêts" au Rex, à Fribourg, à l'Apollo 3, à Payerne.
La Télé / RadioFr. - Karin Baumgartner