"On nous mène en bateau depuis huit ans"

Des développeurs immobiliers se sentent trahis par la ville de Fribourg qui veut freiner la densification de leur projet au Schönberg.

Le projet prévoyait de construire 6 immeubles (1000 appartements) au Schönberg. © KEYSTONE

Les développeurs immobiliers du site des Hauts de Schiffenen, dans le quartier du Schönberg, n’ont que peu goûté à la dernière mise à jour du plan d’aménagement local (PAL) de la ville de Fribourg. Cette dernière promet de réduire drastiquement les bases de leur complexe immobilier.

Le projet, qui prévoyait de construire six immeubles, englobant mille appartements, n’est plus conforme à la nouvelle mouture du PAL du chef-lieu cantonal. Il s'agit de l'une des grandes nouveautés de la 4e version qui est mise à l'enquête depuis le 4 juin et jusqu'au 4 juillet prochain.

Risques sous-estimés?

Dans les faits, il ne sera plus possible de construire sur les deux tiers des quelque 75'000m2 de surface disponible, dont un tiers appartient à la Bourgeoisie de Fribourg. Du côté des investisseurs des Hauts de Schiffenen - Urban Project SA et Proxiland Real Estat - c'est la douche froide. "On se sent trahis dans un partenariat public-privé qu'on a eu de longue date avec la ville de Fribourg. Depuis huit ans, on nous mène en bateau dans un projet de très haute importance pour la ville de Fribourg", s'exclame Xavier Jeanneret, directeur d'Urban Project SA. "On nous a poussés à faire un projet d'une densité extrême, avec beaucoup d'argent déployé, pour faire mille logements sur dix étages, alors que nous, à la base, on voulait faire entre 450 et 600 logements sur huit étages, voire juste six étages."

La ville de Fribourg entend le désarroi des développeurs du site, mais rappelle que le PAL est un outil de planification dynamique qui peut évoluer dans un sens comme dans un autre aussi longtemps qu’il n'a pas été approuvé par le canton. "En 2018, le Conseil communal a dû faire le constat que la croissance démographique, envisagée un temps, ne se réalisait pas. Il a donc, lors de la 3e mise à l’enquête, réduit les densités dans plusieurs zones, dont le périmètre des Hauts de Schiffenen. Les investisseurs ont continué à développer leur projet sur des bases de planification qui n’étaient plus stables. Peut-être ont-ils sous-estimé ce risque?", lance Andrea Burgener Woeffray, conseillère communale en ville de Fribourg, en charge de l'édilité.

La ville de Fribourg rappelle encore ce secteur a été recensé comme un périmètre d’environnement de valeur «a» à l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale à protéger en Suisse (ISOS). Et justement, au cœur de la discorde, figure un préavis demandé à la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage, consultée dans les travaux de la 4e mise à l'enquête du PAL.  

Dans son analyse, elle estime que le périmètre des Hauts de Schiffenen doit rester libre de toute urbanisation. "La jurisprudence en matière de protection des sites construits d’importance nationale s’est durcie ces dernières années. Le Conseil communal a intégré ce fait dans sa planification et il a fallu donc faire une pesée d'intérêts", explique Andrea Burgener Woeffray.

Les résultats de ce préavis sont directement contestés par les développeurs du site. "Vidéo à l'appui, on démontre que notre projet n’interférerait pas la vue entre les châteaux du Windig, de la Poya et de Grandfey, l'un des arguments qui a, pourtant, fondé le préavis de cette commission", explique Xavier Jeanneret. "Mais vu le contexte du durcissement de la jurisprudence sur la protection des sites construits, ce point aurait été, de toute façon, requestionné ensuite par le canton au stade de l’approbation du PAL", répond Andrea Burgener Woeffray.

Un projet objet d'oppositions

La directrice de l'édilité rappelle encore que le projet n'a jamais été validé. "Il y avait une entente pour fortement densifier ce site. Le Conseil communal a accompagné cette volonté. Un plan aménagement de détail (PAD) a été réalisé, envoyé au canton pour préavis et publié. Il y a eu des oppositions. Ensuite, les développeurs ont mis à l'enquête la construction de certains bâtiments du site, ce qui a encore fait l’objet d’oppositions. Puis, quand la commune a mis à l'enquête son PAL fin 2017,  il y a eu des nouvelles oppositions (ndlr: dont celles de l’Association des habitants de Schiffenen et du Castel, de propriétaires voisins et de Pro Fribourg), donc le dossier est clairement bloqué."

Le dialogue n'est pas encore totalement rompu pour autant entre les deux parties. "Comme lors de chaque mise à l'enquête, nous allons recevoir tous les opposants pour des séances de conciliation. Si la commune devait avoir fait des erreurs manifestes, nous devrons nous pencher sur une cinquième mise à l'enquête de notre PAL. Mais, dans le cas contraire, nous souhaitons ficeler ce dossier et l'envoyer au canton pour validation", explique Andrea Burgener Woeffray.

Une issue en justice?

Reste que ce dossier pourrait bien déboucher sur un conflit juridique. Faute d'un accord suffisant, les développeurs des Hauts de Schiffenen envisagent de lancer la machine juridique pour réclamer des indemnisations financières.

"Il y a déjà six millions de dépenses facturables à la ville et à la Bourgeoisie et il y a aussi toute la perte financière sur la perte de valeur du terrain, estimée à environ cinquante millions de francs", lance Xavier Jeanneret, directeur d'Urban Project SA.

RadioFr. - Mehdi Piccand
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