ONU: pour une aide humanitaire à Gaza

A l'issue de négociations acharnées, le Conseil de sécurité a exigé vendredi l'acheminement "à grande échelle" de l'aide humanitaire à Gaza. Mais sans appeler à un cessez-le-feu immédiat dont ne voulait pas Washington, alors que la situation reste catastrophique.

La résolution adoptée par 13 voix pour, aucune contre et deux abstentions (États-Unis et Russie) "exige de toutes les parties qu'elles autorisent et facilitent l'acheminement immédiat, sûr et sans entrave d'une aide humanitaire à grande échelle" à Gaza. © KEYSTONE/AP/Maya Alleruzzo
Tel Aviv a poursuivi sans répit ses bombardements sur l'enclave vendredi. Selon le ministère de la Santé du Hamas, plus de 410 Palestiniens ont été tués ces dernières 48 heures. Ici, la mère d'un membre de la famille Barbakh, tué à Khan Younes. © KEYSTONE/EPA/HAITHAM IMAD
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La résolution adoptée par 13 voix pour, aucune contre et deux abstentions (États-Unis et Russie) "exige de toutes les parties qu'elles autorisent et facilitent l'acheminement immédiat, sûr et sans entrave d'une aide humanitaire à grande échelle" à Gaza. Et elle demande de "prendre de toute urgence" des mesures à cet égard et pour "créer les conditions d'une cessation durable des hostilités".

Le texte exige également l'utilisation de "l'ensemble des voies d'accès et de circulation disponibles dans toute la bande de Gaza" pour l'acheminement de carburant, de nourriture et de matériel médical dans tout le territoire.

"Vrai problème": l'offensive d'Israël

Le "vrai problème" pour l'acheminement de l'aide humanitaire à Gaza est "la façon dont Israël conduit son offensive", qui crée des obstacles massifs à la distribution de l'aide humanitaire à Gaza", a accusé le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres.

Il a insisté sur le fait qu'un "cessez-le-feu humanitaire est le seul moyen pour commencer à répondre aux besoins désespérés de la population de Gaza et mettre fin au cauchemar qu'elle vit".

"Nous savons que ce n'est pas un texte parfait, nous savons que seul un cessez-le-feu mettra un terme aux souffrances", a également commenté l'ambassadrice des Emirats Lana Zaki Nusseibeh, à l'origine du texte.

Mais "si nous ne prenons pas des mesures drastiques, il y aura une famine à Gaza", et ce texte "répond par l'action à la situation humanitaire désespérée du peuple palestinien", a-t-elle ajouté avant le vote au siège de l'ONU à New York, décrivant "l'enfer qui se déchaine" sur le territoire palestinien.

"Insuffisante" pour le Hamas

L'ambassadeur palestinien à l'ONU a qualifié la résolution de "pas dans la bonne direction", insistant toutefois sur la nécessité d'un "cessez-le-feu immédiat".

Le Hamas au pouvoir à Gaza l'a jugé "insuffisante et ne répondant pas à la situation catastrophique créée par la machine de guerre sioniste".

Plus de "suspension urgente des hostilités"

La résolution, résultat de longues discussions sous la menace d'un nouveau veto américain, a largement évolué depuis la version plus ambitieuse proposée dimanche par les Emirats.

La référence à une "cessation urgente et durable des hostilités" présente dans le texte de dimanche a disparu, tout comme la demande moins directe de la version suivante d'une "suspension urgente des hostilités".

Un amendement russe voulant revenir à cet appel à une "suspension urgente des hostilités" a été bloqué par les Etats-Unis, recueillant 10 voix en faveur et 4 abstentions.

Menace de famine

Les membres du Conseil voulaient éviter un nouveau veto, alors que les habitants de la bande de Gaza, pilonnée par Israël en représailles à l'attaque du Hamas le 7 octobre, sont désormais menacés par la famine.

Le Conseil de sécurité est largement critiqué pour son inaction depuis le début de la guerre. C'est la deuxième fois seulement qu'il parvient à se mettre d'accord sur un texte.

Sa résolution précédente du 15 novembre appelait à des "pauses humanitaires". Cinq autres textes ont été rejetés en deux mois, dont deux en raison de vetos américains, le dernier le 8 décembre.

Les Etats-Unis avaient alors bloqué, malgré la pression inédite du secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, l'appel à un "cessez-le-feu humanitaire", également jugé inacceptable par Israël.

Surveillance de l'aide

Les négociations sur cette nouvelle résolution ont également été intenses autour des termes de la mise en place d'un mécanisme de suivi pour s'assurer de la nature "humanitaire" de l'aide.

Israël, qui veut maintenir son contrôle sur les convois humanitaires, s'opposait à ce que l'ONU soit exclusivement en charge de ce mécanisme. La version adoptée propose un système sous l'égide d'un "coordonnateur" de l'ONU chargé d'"accélérer" le processus d'acheminement en "concertation" avec les parties.

Aussitôt la résolution votée, le ministre israélien des Affaires étrangères a affirmé que son pays continuerait à inspecter toute aide humanitaire à destination de Gaza.

Autre point sensible, l'absence une nouvelle fois dans le texte d'une condamnation - et même du nom - du Hamas, fustigée par Israël et les Etats-Unis. Le texte déplore "tous les actes de terrorisme" ainsi que "toutes les attaques contre les civils", et exige la libération "inconditionnelle" de tous les otages.

Plus de 20'000 morts et 50'000 blessés

Après l'attaque du 7 octobre, qui a fait, selon les autorités israéliennes, environ 1140 morts, Israël a juré d'"anéantir" le Hamas, pilonnant le territoire palestinien, l'assiégeant et menant une vaste opération terrestre depuis le 27 octobre.

Tel Aviv a poursuivi sans répit ses bombardements vendredi. Selon le ministère de la Santé du Hamas, plus de 410 Palestiniens ont été tués ces dernières 48 heures, dont 16 vendredi dans un bombardement qui a touché une maison à Jabaliya (nord) et cinq, dont quatre membres d'une même famille y compris une fillette, dans une frappe contre une voiture à Rafah (sud).

"Nous sommes en train de mourir"

"Mon message au monde est qu'ils nous regardent, qu'ils nous voient, qu'ils constatent que nous sommes en train de mourir. Pourquoi n'y prêtent-ils pas attention?", a lancé Walaa Al-Medini, une déplacée palestino-égyptienne, expliquant avoir perdu sa fille dans un bombardement à Choujaiya.

Le ministère de la Santé du Hamas a fait état vendredi de 20'057 morts depuis le début des bombardements israéliens, majoritairement des femmes, des enfants et des adolescents, et plus de 50'000 blessés.

ATS
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