Ouverture d'un procès hors norme en France
Le procès de Cédric Jubillar, accusé du meurtre de son épouse Delphine, s'est ouvert lundi dans le sud-ouest de la France. L'audience de quatre semaines doit faire la lumière sur la disparition fin 2020 de cette infirmière dont le corps n'a jamais été retrouvé.

Visage blême, veste de jogging et jean, l'accusé de 38 ans a pris place dans le box vitré de la cour d'assises d'Albi avant de décliner son identité devant une salle d'audience comble. Il était entré auparavant dans le palais de justice, menotté, tête recouverte par un sweat sombre et encadré par trois agents de l'administration pénitentiaire.
Une centaine de personnes du public et de nombreux journalistes de 70 médias, 300 ont été accrédités, se sont pressés plusieurs heures avant l'ouverture du procès devant le tribunal spécialement aménagé pour faire face au "fort engouement" suscité en France par l'affaire, avait souligné Nicolas Jacquet, procureur général de la cour d'appel de Toulouse, juridiction chargée de l'organisation de l'audience.
Delphine a disparu dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. La France vivait alors au rythme des couvre-feux liés à l'épidémie de Covid-19 et l'actualité judiciaire avait été marquée fin novembre par la condamnation dans l'est du pays de Jonathann Daval, un féminicide retentissant dans lequel l'accusé avait longtemps joué le mari éploré, avant d'avouer avoir tué sa femme.
Dans ce contexte, le dossier Jubillar a rapidement pris une importante dimension médiatique qui ne s'est pas démentie en plus de quatre ans de procédure.
"Bancal"
"Une infirmière qui disparaît en pleine période Covid, (...) le mystère, l'absence de corps, l'absence de scène de crime, les gens sont friands de faits-divers, de tout ce qui est enquête (...) et c'est une affaire en ce sens-là qui est assez hors-normes", convient Alexandre Martin, l'un des deux avocats de Cédric Jubillar.
Selon l'accusation, Cédric Jubillar, peintre-plaquiste de profession, a fait disparaître à Cagnac-les-Mines, près d'Albi, Delphine, son épouse et mère de leurs deux enfants, parce qu'il ne supportait pas qu'elle le quitte pour un autre homme.
Tout au long de la procédure, il a nié l'avoir tuée. Ses avocats dénoncent une "instruction à charge". "Le plus bancal" dans ce dossier, "c'est l'absence de preuves", affirme Me Martin.
Pendant la vingtaine de journées prévues pour ce procès, défileront 65 témoins et 11 experts pour éclairer un dossier de 27 tomes et plus de 15'000 pages de procédure, et surtout essayer de comprendre ce qu'il s'est passé lors de cette nuit du 15 au 16 décembre 2020.
Pour les juges d'instruction qui ont renvoyé M. Jubillar devant les assises, des indices montrent qu'une dispute a éclaté, et selon les magistrates, c'est au cours de celle-ci que la jeune femme a trouvé la mort. Mais les enquêteurs n'ont pas retrouvé d'élément probant établissant le meurtre lui-même, pas de trace de sang, pas de scène de crime ni de cadavre.
"Appréhension"
Le comportement de Cédric Jubillar est venu renforcer les soupçons des enquêteurs: un mari qui ne participe pas ou peu aux recherches de son épouse disparue, un homme qualifié d'impulsif qui tient, avant la disparition, devant témoins, des propos menaçants au sujet de son épouse si elle en venait à le quitter...
Codétenus et nouvelles petites amies ont aussi assuré que l'accusé leur avait avoué le crime ou donné des informations sur la localisation du corps de Delphine. Cédric Jubillar a toujours réfuté ou relativisé ces propos, et les fouilles diligentées ont été infructueuses.
Du côté des membres de la famille de Delphine, le procès qui s'ouvre génère "beaucoup d'appréhension" parce qu'"ils ont beaucoup de questions, peu de réponses", souligne auprès de l'AFP Mourad Battikh, avocat de cinq proches de l'infirmière.