Pierre Monnard: "Repartir avec 3 prix, c'est fantastique"
Le film "Bisons" du réalisateur fribourgeois a décroché trois récompenses au Prix du cinéma suisse vendredi. Interview.
RadioFr: Votre film "Bisons" était nominé six fois aux Prix du cinéma suisse. Il engrange finalement trois récompenses: la meilleure interprétation masculine, la meilleure musique et la meilleure image. Qu'avez-vous ressenti vendredi soir?
Pierre Monnard: Une grande joie et une grande fierté pour tous mes collaborateurs. Déjà, ces six nominations nous avaient vraiment enchantés, et qu'on reparte avec trois prix, c'est fantastique. Meilleure photographie pour Joseph Areddy, meilleure musique Pour Nicolas Rabaeus. Et puis, celle qui me fait peut-être personnellement le plus plaisir, la meilleure interprétation masculine pour Karim Barras, un acteur fantastique avec lequel j'ai eu tellement de plaisir à travailler. Et évidemment, je ne peux pas citer Karim sans parler de Maxime Valvini qui était nominé à ses côtés aussi pour la meilleure interprétation masculine. Ils auraient mérité le prix tous les deux, mais voilà, il y en a qu'un. Karim a dédié son prix à son partenaire de jeu, et j'ai trouvé ça très beau.
Vous n'avez pas décroché la récompense du meilleur film de fiction. C'est une petite déception personnelle?
C'est une petite déception, mais qui est très courte parce que, justement, comme on vient de le dire, à l'égard des honneurs faits à ce film, que ça soit au niveau des nominations et au niveau des prix, il y a suffisamment de quoi me réjouir.
Qu'est-ce qui fait le succès d'un tel film, qui a quand même une histoire assez dure, assez sombre?
C'est toujours très difficile d'analyser le succès ou non d'un film. Quand on fait nos métiers, on raconte des histoires qui nous passionnent, on raconte des histoires qui nous touchent, et moi, c'était le cas avec "Bisons". J'ai grandi dans le canton de Fribourg, à Châtel-Saint-Denis dans une famille qui compte de nombreux agriculteurs. C'est vraiment un monde que je connais bien et, ces dernières années, j'ai vu le combat des petites exploitations pour survivre, et c'est ce combat qui m'a inspiré pour faire ce film.
Vous l'avez dit, vous venez de ce monde-là, mais aujourd'hui vous êtes réalisateur, vous vivez à Zurich. Comment vous racontez, comment vous mettez en image de la façon la plus vraie, la plus juste possible, ce monde agricole?
L'authenticité était un peu le maître-mot pour ce film, comme pour d'autres d'ailleurs. Je suis allé à la rencontre d'agriculteurs. Nous avons tourné le film dans la région de Sainte-Croix et celle de la Brévine et nous avons travaillé avec une agricultrice qui s'appelle Daniela Kaufmann, qui a cette ferme dans laquelle on a tourné le film et nous avons passé beaucoup de temps avec elle, à comprendre quels étaient ces problèmes, à comprendre quel était son métier et c'était très touchant parce qu'évidemment, nous avons été au cœur de toute cette discussion qui bat son plein en ce moment. J'aimerais saluer les agriculteurs pour leur courage et j'espère vraiment qu'ils vont être entendus et que leurs conditions vont pouvoir s'améliorer.
Ce n'est pas la première fois que vous vous mettez en images des réalités un peu marginales de la Suisse. On pense au film "Les enfants du Platzspitz", avec cette mère toxicomane et son enfant. Qu'est-ce qui vous intéresse là-dedans?
Ce qui m'intéresse, c'est de donner une voix à ceux qui n'en ont pas, de leur donner la parole. Et c'est aussi de montrer une Suisse de la marge, une Suisse qui s'éloigne un peu des clichés de carte postale avec lesquels on associe souvent notre pays. Et c'est vrai que c'était une Suisse qui, pour moi, était invisible. Quand j'étais gamin et que je regardais la télévision, et des films, je me disais: ça ressemble un petit peu à des images d'Epinal, alors que la Suisse, c'est pas seulement ça.
Vous choisissez aussi les décors en Suisse. Pour "Bisons", c'était le Jura, pour "Winter Palace ", que vous venez de terminer de tourner, c'est le Valais. Pour "Anomalia", vous étiez en Gruyère. Pourquoi ces paysages et qu'est-ce qu'ils vous permettent de raconter?
Pour moi, les paysages, c'est des vrais personnages. Quand je me balade, quelque chose que je fais beaucoup, c'est une idée de film, peut vraiment naître d'un décor, d'un paysage, d'une maison, d'une lumière. C'est une manière que j'ai de m'inspirer. Il y a des gens qui sont ceux qui s'inspirent en regardant des peintures- la joconde une- a d'autres qui sont inspirées par des revers lifté de roger federer. Moi, c'est plutôt dans la montagne ou en regardant des paysages. C'est quelque chose qui est très évocateur et qui stimule mon imagination.
Vous venez de terminer le tournage de "Winter Palace. C'est quoi la suite?
Après cette interview, je vais aller en salle de montage. On est en train de travailler sur les épisodes et la diffusion de la série. Elle est prévue pour la fin de l'année, décembre 2024 sur la RTS et les chaînes suisses. Dès janvier, sur netflix en Suisse et dans le reste du monde, et ça, c'est vrai que c'est très excitant.
Travailler avec Netflix, comment ça se passe?
Ça se passe très bien, les gens de Netflix sont tout à fait recommandables. Je sais que souvent, on a tendance à vouloir les associer avec une certaine forme d'arrogance, peut-être parce que ce sont des géants américains. Ça s'est passé un peu comme lorsque des gens qui ne se connaissent pas se rencontrent. Et puis, ils sont là, ils nous soutiennent, ils aiment beaucoup le projet, ils comprennent que ce projet doit avant tout réussir à trouver un public en Suisse, mais qu'il doit aussi avoir la possibilité de parler au-delà de nos frontières. Et ça, je trouve très smart de leur part.
Vous avez encore un projet qui va se dessiner: vous allez mettre en scène l'histoire de la créatrice de Betty Bossi. Qu'est-ce qui vous a séduit dans ce projet?
On va raconter l'histoire d'Emmi Creola-Maag qui a inventé ce personnage iconique, qui constitue et définit une partie de notre identité helvétique. Pour moi, ça représente plein de choses, parce que je pense qu'on est tous un tout petit peu Betty Bossi. En tout cas, c'était le cas pour moi. J'ai, comme tout le monde, appris plein de choses grâce à ces livres et grâce à cette figure iconique. Donc, pour moi, c'est raconter une partie de mon enfance, mais aussi une partie de ce qui constitue mon identité suisse.
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