Poutine ordonne de continuer la guerre
Le président russe Vladimir Poutine a ordonné lundi à ses forces de poursuivre leur offensive dans l'est de l'Ukraine, au lendemain de la prise de Lyssytchansk. Koev évalue à 750 milliards de dollars (721 milliards de francs) le coût de la reconstruction du pays.
Celle-ci sera "la tâche commune de tout le monde démocratique", a souligné le président ukrainien Volodymyr Zelensky par vidéoconférence à l'ouverture d'une conférence internationale à Lugano, pour préparer l'immense chantier.
Lors de son allocution du soir, il a ensuite expliqué avoir besoin de ces "fonds colossaux" pour aider la population, recontruire les villes et infrastructures détruites par la guerre, mais aussi "préparer les écoles et universités pour une nouvelle année scolaire" et "se préparer pour l'hiver".
Son Premier ministre Denys Chmygal, qui avait pu faire le déplacement à Lugano, a exposé un plan "estimé à 750 milliards de dollars". La conférence doit s'achever mardi, alors que l'issue de la guerre déclenchée le 24 février par l'invasion russe de l'Ukraine reste incertaine.
La guerre se poursuit
A Moscou, lors d'un entretien avec son ministre de la Défense Sergueï Choïgou, le président russe a donné l'ordre aux troupes russes de "mener à bien leur mission" en application des "plans déjà approuvés".
Dimanche soir, l'état-major de l'armée ukrainienne avait annoncé le retrait de ses unités engagées à Lyssytchansk, le dernier bastion de Kiev dans la région de Lougansk (est), que Moscou dit désormais contrôler totalement.
Pour les forces ukrainiennes, l'urgence est désormais de contenir la progression russe vers l'ouest et deux villes majeures de la région voisine de Donetsk : Sloviansk et Kramatorsk.
"Débordement progressif"
Après la prise de Lyssytchansk, pièce maîtresse du plan de conquête du Donbass, un bassin industriel en partie contrôlé par des séparatistes prorusses depuis 2014, "l'effort principal de l'ennemi (...) vise à un débordement progressif" des militaires ukrainiens sur cet axe, a déclaré lundi l'état-major ukrainien.
Dans la soirée, l'armée ukrainienne a fait état de tentatives d'assaut russes repoussées dans les régions de Kharkiv (nord-est) et de Donetsk. Par contre, près de Sloviansk, "l'ennemi lance des assauts dans la direction de la localité de Mazanivka et y réussit partiellement", selon la même source.
Selon le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kirilenko, 10 personnes, dont deux enfants, ont péri dimanche dans des frappes russes à Sloviansk et dans ses environs. La ligne de front se rapprochant de cette cité, les autorités ukrainiennes appellent sa population à partir.
Les rues de Sloviansk étaient presque désertes lundi matin, selon des journalistes de l'AFP sur place. Sur le marché du centre-ville ravagé par un incendie provoqué par une frappe russe, quelques vendeurs proposaient des produits de première nécessité tandis que d'autres déblayaient des débris calcinés.
Des vendeurs et des habitants faisaient part de leur inquiétude pour les jours et semaines à venir, tandis que les déflagrations des bombardements étaient audibles.
Bombardements intensifiés
A Siversk, entre Lyssytchansk et Sloviansk, les militaires ukrainiens semblent vouloir tenir une ligne de défense entre cette ville et Bakhmout, plus au sud. Ses habitants interrogés par l'AFP évoquent des bombardements de plus en plus intenses ces derniers jours.
"L'ennemi a intensifié ses bombardements sur nos positions dans la direction de Bakhmout", a confirmé l'état-major de l'armée ukrainienne.
L'armée russe a de son côté annoncé avoir détruit "sept postes de commandement" ukrainiens au cours des dernières 24 heures, "dont celui de la 25e brigade aéroportée dans la région de Siversk".
Le ministère russe de la Défense s'en est ensuite pris à de présumés "néo-nazis ukrainiens" qui, à Belopolïé, dans la région de Soumy (nord-est), "ont miné des ponts sur la rivière Kryga, qu'ils ont l'intention de faire sauter" pour en accuser la Russie.
En Russie, un drone d'origine inconnue est tombé sur une habitation civile à Taganrog (sud-ouest), près de la frontière ukrainienne, sans faire de victime mais incendiant la maison, selon les médias locaux.
A Kharkiv, la deuxième ville d'Ukraine (nord-est), trois civils sont morts dans des bombardements survenus lundi avant l'aube, selon les autorités locales.
A Boutcha, cité-martyre de la banlieue de Kiev, même si certains se sont remis à planter des fleurs au pied des immeubles ou à s'affairer dans leur potager, la population n'ose pas encore penser à la reconstruction, quand l'issue de la guerre reste si incertaine. Ici, les stigmates des combats sont encore visibles partout : vitres brisées, impacts de balles, murs éventrés.
Conférence de Lugano
Dans ce contexte, la conférence de Lugano doit tenter de dessiner les contours de la future reconstruction de l'Ukraine.
La "tâche est vraiment colossale", ne serait-ce que dans les territoires libérés, a reconnu dimanche Volodymyr Zelensky. Les organisateurs de la conférence espéraient sa présence physique mais il a participé, comme il en a désormais l'habitude, par visioconférence à cette réunion rassemblant les responsables des alliés de l'Ukraine, des institutions internationales mais aussi le secteur privé.
La conférence, planifiée bien avant la guerre, devait initialement se concentrer sur les réformes en Ukraine, et notamment la lutte contre la corruption.
Le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal et le président du Parlement, Rouslan Stefantchouk, sont arrivés à Lugano dès dimanche. Ils ont rencontré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, afin de poser les bases d'un "Plan Marshall" pour l'Ukraine.
L'urgence est d'aider la population touchée par la guerre avant, dans un deuxième temps, de financer des milliers de projets de reconstruction et, à long terme, de préparer une Ukraine européenne, verte et numérique, a expliqué M. Chmygal.
Robert Mardini, le directeur général du Comité international de la Croix-Rouge, a jugé sur la RTS qu'il était vital de donner dès maintenant "une perspective positive" aux Ukrainiens.
La Banque européenne d'investissement (BEI) doit proposer la création d'un nouveau fonds pour l'Ukraine, qui pourrait atteindre 100 milliards d'euros, selon des sources informées. Et pour M. Chmygal, les avoir russes gelés dans les pays occidentaux sont à eux seuls évalués à 300 à 500 milliards de dollars.