Soudan au bord de la guerre civile totale

L'ONU a estimé dimanche que le Soudan est "au bord de la guerre civile totale potentiellement déstabilisatrice pour toute la région". Cela après qu'un raid de l'armée de l'air sur un quartier résidentiel de Khartoum a tué samedi des dizaines de civils.

Près de trois millions de Soudanais ont été forcés de quitter leur maison - dont plus de 600'000 pour l'étranger - tant les exactions venues des deux camps se multiplient. © KEYSTONE/AP

Les bombardements sur le quartier de Dar al-Salam à Omdourman, la banlieue nord-ouest de Khartoum, a fait selon le ministère local de la Santé "22 morts et un grand nombre de blessés parmi les civils".

Sur Facebook, le ministère a posté une vidéo montrant des corps sans vie, certains aux membres déchiquetés, dont plusieurs de femmes. L'homme qui filme affirme que les habitants ont "compté 22 morts".

De leur côté, les Forces de soutien rapide (FSR), en guerre contre l'armée depuis le 15 avril, ont dénoncé "la perte tragique de plus de 31 vies et de nombreux blessés".

"Aucun respect des droits humains"

En près de trois mois de guerre entre les paramilitaires du général Mohamed Hamdane Daglo et les troupes régulières du général Abdel Fattah al-Burhane, près de 3000 morts ont été recensés - un bilan très sous-estimé tant les corps qui jonchent les rues sont inaccessibles.

Près de trois millions de Soudanais ont été forcés de quitter leur maison - dont plus de 600'000 pour l'étranger - tant les exactions venues des deux camps se multiplient.

Farhan Haq, un des porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a ainsi dénoncé "une absence totale de respect du droit humanitaire et des droits humains", notamment au Darfour, région martyre dans les années 2000 de nouveau au coeur de combats ayant repris une "dimension ethnique".

Toute la région menacée

Selon lui, le Soudan est "au bord de la guerre civile totale potentiellement déstabilisatrice pour toute la région" aux confins du Sahel, de la Corne de l'Afrique et du Moyen-Orient, des zones déjà en proie aux violences avant la guerre à Khartoum.

Partis du coeur de la capitale, les combats, les raids aériens et les pillages qui s'ensuivent inlassablement ont gagné le Darfour ainsi que le Kordofan, au sud de Khartoum, et le Nil Bleu, frontalier de l'Ethiopie au sud.

Dans la nuit, des habitants ont de nouveau rapporté à l'AFP des combats à El-Obeid, chef-lieu du Kordofan-Nord.

Réunion en Ethiopie

Pour tenter une sortie de crise, l'ONU plaide pour les propositions de l'Igad. Ce bloc de l'Afrique de l'Est auquel appartient Khartoum réunira lundi à Addis Abeba les chefs d'Etat ou de gouvernement des quatre pays à la manoeuvre sur le dossier soudanais: l'Ethiopie, le Kenya, la Somalie et le Soudan du Sud.

Un responsable de l'Igad a affirmé à l'AFP que les deux généraux en guerre avaient été invités, mais aucun des deux camps n'a réagi.

Depuis le 15 avril, le général Burhane n'a été filmé que deux fois au milieu de ses hommes et le général Daglo n'est apparu que quelques secondes dans une vidéo tournée par ses troupes. Les deux hommes n'interviennent plus que par messages sonores ou médias interposés.

Ils pourraient toutefois envoyer des lieutenants à Addis Abeba lundi, selon le responsable de l'Igad. Khalid Omer Yousif, l'un des responsables civils limogés du gouvernement en 2021 par le coup d'Etat des deux généraux aujourd'hui en guerre, a de son côté annoncé que plusieurs figures civiles étaient à Addis Abeba pour "discuter avec des acteurs soudanais et internationaux afin d'accélérer les efforts de paix".

Les négociations, longtemps menées par Américains et Saoudiens et désormais au point mort, n'ont jusqu'ici accouché que de trêves temporaires, quasiment jamais respectées.

ATS
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