Préparer des crêpes pour retrouver le goût du travail

Créée en 2010, la Coopérative SucréSalé aide les personnes en difficulté ou en décrochage à retrouver le chemin de l'emploi. Rencontre.

Vanessa Morina, personne en réinsertion professionnelle au sein de la crêperie SucréSalé. © Frapp

Il est 9h30 à SucréSalé et aucun client n'est encore arrivé. Le temps pour les petites mains de la crêperie de préparer pâte à crêpe et garnitures. Dans un coin de la cuisine, une jeune femme en tablier s'occupe de déchirer les feuilles de salade. Vanessa Morina, 20 ans, travaille ici depuis le mois d'octobre 2022. "Ce n'est pas moi qui cuisine à proprement parler, mais je prépare tout ce qu'on peut mettre sur une crêpe. Je vérifie que rien ne manque, que rien ne soit périmé."

Au fil de la matinée, Vanessa Morina découpe œufs et concombres, nettoie la vaisselle et ajoute sur les crêpes les petits détails qui sauront donner l'eau à la bouche. Un savoir-faire qu'elle a pu acquérir petit-à-petit, à son rythme. "C'était très impressionnant quand je suis arrivée, d'autant que je ne connaissais pas du tout le monde de la restauration. J'avais tout à apprendre."

Sur le chemin de la réinsertion

Après avoir terminé l'école obligatoire, Vanessa Morina n'a pas les notes pour partir au collège. Elle enchaîne alors les stages, mais ces derniers s'avèrent peu concluants. En discutant avec une amie atteinte d'un trouble de l'attention sans hyperactivité, elle découvre qu'elle est aussi touchée par cette maladie. "Lorsque le diagnostic est tombé, je n'ai pas du tout été triste, au contraire. J’ai enfin pu mettre des mots sur ce qui se passait, comprendre pourquoi j'étais comme ça." 

Avec l'aide de sa curatrice, la jeune femme sollicite l'aide de l'AI qui lui propose une mesure de réinsertion professionnelle. Leur choix s'arrête sur la crêperie SucréSalé, située au cœur de Fribourg. Grâce à la présence d'éducateurs, le restaurant intègre dans son équipe des personnes en difficulté pour les aider à se refaire une place dans le monde du travail.

Les premiers temps sont difficiles. Vanessa Morina a de la peine à s'ouvrir, à communiquer avec ses collègues et à comprendre en quoi faire des salades va l'aider à trouver sa voie. Elsa Tièche, éducatrice et directrice de la coopérative, prend alors le temps de lui expliquer tout ce qu'il va se passer à la crêperie durant les mois à venir et ce qu'on attend d'elle. A partir de là, c'est le déclic et la jeune femme parvient à trouver du sens dans ce qu'elle fait.

Comprendre le "monde des adultes"

En 13 ans, la Coopérative a accompagné 189 personnes en mesure de réadaptation et offert une place de travail à 55 personnes au bénéfice d’une rente invalidité. Les jeunes entre 15 et 25 ans représentent 40% des personnes accompagnées, mais l'on observe une nette augmentation depuis ces dernières années.

"Ces personnes avec lesquelles j'ai pu travailler se sentent généralement angoissées face à l'avenir. Entre la guerre, le réchauffement climatique et les épidémies, il y a une certaine incompréhension du "monde des adultes", explique Elsa Tièche. Les sphères professionnelles me paraissent de plus en plus exigeantes et avec cela vient la peur de mal faire, la difficulté de se mesurer à l'autre." 

À l'heure où ces lignes sont écrites, Vanessa Morina a quitté la crêperie SucréSalé. Elle est actuellement en apprentissage à l'institut Les Peupliers, au Mouret, en tant que conductrice de véhicules légers.

Vidéo Frapp:

Frapp - Dimitri Faravel
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