Tourisme à la ferme: les agriculteurs sont-ils gagnants?
Les offres agritouristiques sont en recul. Le modèle paie-t-il toujours? Exemple avec deux exploitations broyardes établies de longue date.

"Tout ce qu'on gagne, on le réinvestit dans la ferme. Si on voulait engager un employé supplémentaire, tout partirait dans leur salaire." Malgré cela, Fouzia Ducry ne pourrait pas être plus heureuse. Diplômée d'une école d'hôtellerie au Maroc, elle a réalisé un rêve en ouvrant une table d'hôte à Dompierre il y a maintenant plus de 15 ans.
La ferme multiplie les sources de revenus: hébergement sur la paille, vente de produits sur les marchés, brunch du 1er août ou encore fabrication de cuchaule AOP. Tout cela entièrement géré par Fouzia, son mari et leur fille unique. "C'est un travail. Que je travaille à l'extérieur ou à la maison, c'est la même chose", résume la mère de famille.
Nombre d'exploitations en diminution
Dans son dernier rapport en date, l'association Agritourisme note un léger recul du nombre de fermes qui proposent des activités aux touristes. De 197 membres, l'organisation est passée à 185 en 2023. Selon elle, les exploitations qui partent sont en général reprises par une nouvelle génération qui ne souhaite pas continuer dans le tourisme.
Chambres d'hôtes, chalets d'alpage, aventures sur la paille: l'association défend que le tourisme peut devenir une activité à part entière pour les paysans suisses.
En 2021, le nombre de nuitées a battu des records: 162'479 pour l'ensemble des membres de l'organisation. Aujourd'hui le niveau est un peu retombé. Agritourisme a enregistré un peu plus de 124'000 nuitées en 2023, soit tout de même une croissance de 7% par rapport à l'année précédente.
La Magie de la Ferme, gérée par la famille Ducry, compte en moyenne un peu plus de 140 nuitées sur une saison. Elle accueille beaucoup de classes d'écoles en voyage ou d'événements d'entreprise.
Des investissements conséquents
Non loin de là, la Ferme de la Corbière, à Estavayer-le-Lac, profite aussi d'une clientèle de passage, en particulier des touristes suisse-allemands, venus visiter la région des Trois-Lacs. Son camping peut accueillir jusqu'à 150 personnes environ, mais le domaine compte aussi des cabanes meublées qui peuvent être louées à la nuit et des chambres d'hôtes.
Une diversification qui s'est faite sur une période de 30 ans et qui a demandé de grands investissements à la famille. Le premier espace de camping avait demandé à lui seul quatre ans d'enquête pour obtenir un permis de construire.
Au total, la ferme a enregistré un peu plus de 5’000 nuitées en 2024. Sur ce domaine de petite taille (13 hectares de cultures), les visiteurs rapportent près de 50 % des revenus. Selon une enquête menée par l'institut Tourisme de la Haute École spécialisée (HES-SO) du Valais, la majorité des exploitations utilisent l'agritourisme comme un revenu secondaires (20% ou moins).
Des données inexactes en Suisse et dans le canton
Dans le canton de Fribourg, le nombre précis de nuitées dans les fermes n'est pas connu. À l'Union fribourgeoise du Tourisme, l'agritourisme est comptabilisé dans la parahôtellerie, un secteur qui s’est beaucoup diversifié ces dernières années et qui comprend notamment les locations via AirBnb et les colonies de vacances.
Le nombre de fermes qui génèrent un revenu grâce au tourisme n’est pas clair non plus. Selon les estimations de la HES-SO du Valais et les chiffres avancés par Agritourisme, leur nombre en Suisse pourrait varier entre 1'700 et 3'000.