Le tabou des troubles sexuels chez l'homme
En Suisse, entre 300'000 et 500'000 hommes vivent avec des problèmes liés à leur sexualité. Témoignages.
"Tout dans le monde concerne le sexe, sauf le sexe. C'est une question de pouvoir." Cette citation d'Oscar Wilde illustre parfaitement ce que vivent les hommes atteints par des troubles sexuels. Solitude, silence pesant et peur du jugement sont leur quotidien.
Alors que les langues se sont, au moins un peu, libérées concernant l'intimé des femmes (plaisir féminin, protections hygiéniques, endométriose), la chape de plomb, ou faudrait-il dire la chape de virilité, résiste pour les hommes.
Mais de quoi parle-t-on ici? Il existe de nombreux troubles sexuels masculins. Citons notamment les problèmes d'érection, l'éjaculation précoce ou encore l'éjaculation retardée.
Éjaculation retardée
Après plus de deux mois de recherche, après avoir contacté une quinzaine de sexologues en Suisse romande, et après avoir lancé un appel sur les réseaux sociaux, trois hommes ont finalement accepté de raconter leur histoire. Ils l'ont confiée au micro de RadioFr. et évoqué leur intimité sous couvert d'anonymat.
Il y a Serge, ce Fribourgeois de 39 ans qui souffre depuis l'adolescence d'éjaculation retardée. Il peut jouir, mais n'arrive pas à éjaculer lors d'une relation sexuelle avec une femme. "Je dois me masturber pour éjaculer", raconte fébrilement cet homme à la carrure impressionnante.
Chez Serge, ce problème est d'ordre psychologique. Pour tenter de guérir, il essaie la médecine alternative, sans grand succès, et il consulte actuellement une psychologue. Serge veut rester anonyme car il a peur de la réaction de ses proches, de celle de ses amis ou de ses collègues. La seule personne à laquelle il a déjà parlé de ce problème qui le ronge, c'est sa femme.
Éjaculation précoce et troubles érectiles
Maxime et Fabrice souffrent eux d'éjaculation précoce et de troubles de l'érection. Chez Maxime, responsable marketing de 34 ans, ces problèmes se sont déclarés rapidement dans sa vie sexuelle. Il était à l'aube de ses vingt ans. "C'est quelque chose que j'ai mis sous le tapis durant des années. Je ne voulais pas faire face à ce problème-là, mais il m'a mangé intérieurement. C'est beaucoup de frustration", raconte ce Vaudois, qui se confie presque sans gêne.
Une aisance qui ne doit pas occulter une autre réalité. Maxime se tait en société. Il ne parle pas de ses troubles érectiles ni de son éjaculation précoce à ses amis. Depuis deux ans, il consulte une sexologue. C'est à elle qu'il se confie et explore divers chemins pour améliorer sa sexualité.
Fabrice lui est devenu éjaculateur précoce alors qu'il était marié. Cela remonte à un peu plus de deux ans. Sa relation avec sa femme se détériore et il devient peu à peu éjaculateur précoce. Ce père de 5 enfants raconte: "Je me suis senti très seul. J'avais l'impression que ma femme ne me voyait plus comme un homme. Elle n'avait plus de désir dans ses yeux. Parfois il n'y avait même pas de pénétration, j'éjaculais dans les draps."
Déterminé à s'en sortir, Fabrice cherche des solutions. Il tente l'hypnose, mais cela n'a aucun effet. Il se tourne alors vers des forums sur internet. Et là, il tombe sur ce qu'il décrit comme des choses invraisemblables: "Ils parlaient de désensibilisation du gland. Il fallait prendre des élastiques de cheveux, décalotter et garder l'élastique sur le gland toute la journée pour simuler une circoncision", explique avec regret ce Fribourgeois. Il a lui-même tenté sans succès cet exercice douloureux.
C'est finalement lorsqu'il rencontre une autre partenaire, après s'être séparé de son épouse, que son éjaculation précoce disparaît. Fabrice se met ensuite sur des applications de rencontres et fréquente d'autres femmes. C'est à ce moment qu'il pose ce constat: "Beaucoup de ces femmes me racontaient que leur ex-mari souffrait d'éjaculation précoce ou de troubles de l'érection. En réalité, ces problèmes sont plus fréquents qu'on le pense. Mais personne n'en parle."
La tête avant tout
Pour définir si un homme souffre d'éjaculation précoce, quatre symptômes doivent se conjuguer: le manque de contrôle de l'éjaculation, le mécontentement face à une éjaculation vue comme trop rapide, l'éjaculation qui intervient moins d'une minute après la pénétration et l'homme qui est submergé d'émotions négatives après avoir éjaculé.
Il existe deux types d'éjaculation précoce. La primaire qui est là depuis le début de la vie sexuelle d'un homme. Et la secondaire qui peut arriver à presque n'importe quel moment.
Dans son cabinet à Villars-sur-Glâne, la sexologue Nicole Dubois reçoit beaucoup d'hommes qui souffrent d'éjaculation précoce. Elle explique: "Ces hommes sont excités, ils bandent et éjaculent sans comprendre ce qui leur arrive. Dans les exercices proposés, il faut leur faire prendre conscience de leur corps. Ils doivent tenter de faire des vagues dans leur excitation."
Pour Nicole Dubois, la société est en partie responsable de l'omerta qui pèse sur ce sujet. "On est dans une société extrêmement normative qui nous impose ce qui est perçu comme une bonne ou une mauvaise sexualité. La pornographie par exemple enjoint les hommes à faire jouir les femmes par la pénétration."
Mais des solutions existent. Il y par exemple des sexothérapies, qui mêlent des aspects psychologiques et organiques, une prise de conscience du corps; il y aussi des préservatifs lubrifiés avec un anesthésiant qui retarde l'éjaculation; un médicament aussi peut être prescrit.
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