Un défi de taille attend Alain Berset au Conseil de l'Europe
Le Fribourgeois reprendra le poste de secrétaire général du Conseil de l'Europe le 18 septembre. Ses soutiens politiques misent sur son soft power pour renforcer la crédibilité de l'organe.
Le Fribourgeois va succéder à Marija Pejcinovic Buric, qui part sur un bilan en demi-teinte à l'issue d'un mandat marqué par la pandémie de Covid et la guerre en Ukraine. La Croate a piloté durant cinq ans un Conseil qui peine à se faire une place.
"Le bilan n'est pas génial au bout de 75 ans d'existence", résume René Schwok, professeur d'études européennes à l'Université de Genève. Les activités de l'organe se dupliquent avec celles d'autres organisations qui ont plus de poids, juge-t-il.
Le Secrétariat général a lui finalement "peu d'influence", puisqu'il est "indépendant" de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), l'organe judiciaire du Conseil de l'Europe. Le poste de secrétaire général est donc essentiellement administratif, selon M. Schwok.
Améliorer l'impact sur les membres
La tâche sera difficile, admet le co-président du parti socialiste suisse Cédric Wermuth. Soutien d'Alain Berset, l'Argovien s'était rendu à Strasbourg le jour où son collègue de parti a été élu le 25 juin. Le rôle du Conseil de l'Europe a faibli ces dernières années alors qu'on en a justement vraiment besoin au vu de la détérioration des valeurs démocratiques en Europe, regrette-t-il.
L'Azerbaïdjan, par exemple, a été exclu de l'Assemblée parlementaire en janvier en raison de la détérioration des droits humains et de la démocratie dans le pays. Sans parler de l'exclusion en 2022 de la Russie du Conseil en raison de la guerre en Ukraine. La Suisse s'est elle récemment montrée critique après sa condamnation par la CEDH pour inaction climatique.
La mission de l'ancien conseiller fédéral sera alors de reconstruire la crédibilité du conseil, mais aussi son impact direct sur les Etats membres. Cédric Wermuth compte sur le soft power du Fribourgeois pour parvenir à inverser la tendance au sein du Conseil.
Alain Berset est quelqu'un qui a une vision et des valeurs tout en sachant faire avancer les dossiers de manière concrète, abonde le conseiller national Damien Cottier (PLR/NE), qui siège à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Et il a, en tant qu'ancien président de la Confédération, le carnet d'adresses nécessaire pour atteindre les hautes sphères.
Délai de deux ou trois ans
Damien Cottier, qui fait partie des douze délégués suisses à l'Assemblée parlementaire, s'attend à une présence d'Alain Berset dans cet organe plus forte que ses prédécesseurs. "Il y aura une relation plus directe et on le sentira très vite dans son style", assure-t-il.
L'une des tâches de M. Berset sera d'axer les priorités du Conseil sur les grands thèmes fixés par les chefs d'Etats et de gouvernement en mai 2023 au sommet de Reykjavik, selon le Neuchâtelois, qui estime que l’organe dispose désormais d’une nouvelle marge de man½uvre. Pour la première fois en 30 ans, son budget a été augmenté l'année dernière, souligne-t-il.
"L'ancien conseiller fédéral doit maintenir cet élan", indique M. Cottier. Le soutien concret à l'Ukraine et la création d'un tribunal spécial pour juger les hauts dignitaires russes sont parmi les principaux projets sur lesquels Alain Berset devra plancher.
L'entourage politique du futur secrétaire général mise sur un délai de deux ou trois ans avant que les effets de sa politique ne commencent à se déployer. Quant aux relations de la Suisse avec l'UE, la présence d'Alain Berset au Conseil de l'Europe ne peut être que positive, s'accordent à dire les analystes, sans toutefois s'attendre à des changements concrets.