Un gouvernement israélien sans Netanyahou

Les adversaires de Benyamin Netanyahou sont parvenus mercredi à arracher in extremis un accord sur un gouvernement israélien de coalition. En cas de vote favorable au parlement, le nouveau cabinet, inédit dans sa composition, mettra fin à douze ans d'ère Netanyahou.

Yaïr Lapid avait jusqu'à 23h59 pour signifier au président israélien qu'il avait réuni les voix nécessaires à la formation d'un gouvernement. © KEYSTONE/AP/Oded Balilty

Le chef de l'opposition Yaïr Lapid a appelé tard en soirée le président Reuven Rivlin pour lui annoncer qu'il avait réuni les appuis nécessaires à la formation d'une "coalition du changement", ont indiqué ses services dans un communiqué.

M. Lapid, qui avait jusqu'à 23h59 (22h59 en Suisse) pour informer le président qu'il avait réuni ces voix, a fait cette annonce après avoir rallié des partis de droite et la formation arabe israélienne Raam pour soutenir son futur gouvernement.

Son équipe a diffusé une image de cet accord de coalition signé par les chefs de huit partis israéliens, deux de gauche, deux de centre, trois de droite et un arabe, qui pourrait marquer un tournant dans l'histoire politique d'Israël. La dernière fois qu'un parti arabe israélien avait soutenu, sans toutefois y participer, un gouvernement remonte à 1992 à l'époque du "gouvernement de la paix" de Yitzhak Rabin.

Vote de confiance

Cette fois, la formation arabe islamiste Raam, dirigée par Mansour Abbas, a officiellement signé un accord de coalition sans indiquer à ce stade si elle participerait activement au gouvernement.

"Ce gouvernement sera au service de tous les citoyens d'Israël incluant ceux qui n'en sont pas membres, respectera ceux qui s'y opposent et fera tout en son pouvoir pour unir les différentes composantes de la société israélienne", a déclaré M. Lapid au président Rivlin, selon le communiqué.

Statu quo dans le conflit avec les Palestiniens, relance économique, place de la religion: tout divise sur le papier la coalition hétéroclite en dehors de sa volonté de faire tomber le premier ministre sortant Benyamin Netanyahou, arrivé au pouvoir il y a 25 ans, de 1996 à 1999, puis reconduit à son poste en 2009, et inculpé pour corruption.

Le chef de l'opposition et ses partenaires ont désormais sept jours pour répartir les portefeuilles et obtenir un vote de confiance du Parlement.

Netanyahou à la manoeuvre

Malgré cette avancée et le premier accord de coalition formé sans M. Netanyahou depuis deux ans, tout est encore possible. Le premier ministre sortant, son parti de droite Likoud et ses avocats sont à la manoeuvre pour tenter d'empêcher qu'un tel accord ait l'approbation du Parlement.

Selon la presse israélienne, le président du Parlement, Yariv Levin (Likoud), pourrait être tenté de faire traîner de quelques jours supplémentaires l'organisation du vote de confiance au Parlement, espérant dans cet intervalle des défections dans le camp anti-Netanyahou.

Devant l'hôtel où se tiennent les tractations, des centaines de manifestants pro ou anti-"coalition du changement" se sont rassemblés drapeaux d'Israël à la main, sous haute surveillante policière, a constaté un journaliste de l'AFP.

Un nouveau président

Hasard du calendrier, si les Israéliens n'avaient toujours pas de gouvernement mercredi, ils avaient en revanche un nouveau président élu, le onzième d'Israël. Le travailliste Isaac Herzog, 60 ans, a été élu à une très large majorité par le Parlement réuni en plénière, à cette fonction essentiellement honorifique et dépourvue de pouvoir exécutif.

A cette session du Parlement, les principaux protagonistes du feuilleton politique israélien, certains avaient continué, l'air épuisés, confiants ou inquiets depuis les bancs et sous l'oeil des caméras, les négociations.

Ces pourparlers autour de M. Lapid traînent depuis la décision lundi de Naftali Bennett de rallier le camp anti-Netanyahou. M. Bennett est pressenti comme futur premier ministre dans le cadre d'une rotation au pouvoir prévue dans le projet de coalition, censée mettre fin à la plus longue crise politique de l'histoire du pays.

Yaïr Lapid a été chargé mi-mai de former un gouvernement après l'échec de son rival, M. Netanyahou, à le faire, dans la foulée des élections de mars, les quatrièmes en deux ans.

Jugé pour "corruption" dans trois affaires, M. Netanyahou est le premier chef de gouvernement israélien à faire face à des poursuites pénales en cours de mandat. Il devrait redevenir simple député et ne pourra plus user de son influence pour tenter de faire passer une loi pour le protéger de ses ennuis judiciaires.

ATS
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