Vendredi saint, jour des Pleureuses de Romont

Toutes de noir vêtues, elles portent la souffrance et la mort. Explication d'une tradition vieille de près de 600 ans avec Benoît Chobaz.

Une quinzaine de femmes font partie des Pleureuses de Romont. Leur identité est secrète. © Frapp
Une quinzaine de femmes font partie des Pleureuses de Romont. Leur identité est secrète. © Frapp
Une quinzaine de femmes font partie des Pleureuses de Romont. Leur identité est secrète. © Frapp
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Les Pleureuses pénètrent dans la Collégiale Notre-Dame de l’Assomption. Il y règne le silence le plus total. Une quinzaine de femmes vêtues de noir, avec un voile qui leur couvre le visage, avancent vers le chœur.

La liturgie commence. Au moment où le Christ porte sa croix, les Pleureuses sortent de la Collégiale et la lecture de la Passion s'arrête. Les silhouettes noires se mettent en place pour les neuf stations du Chemin de croix. Un moment de communion.

Symbole de souffrance

Une scène comme celle-ci, on n’en voit pas tous les jours. "Cette tradition est unique au monde. Il y a des badauds et des touristes qui viennent pour l’aspect folklorique, explique Benoît Chobaz, président de la paroisse Notre-Dame de l’Assomption. On est tout de suite pris par la gravité du moment. On se rend compte qu’il est en train de se passer quelque chose d’important. Toutes les personnes qui sont là sont impressionnées par ce qu’on peut y ressentir."

Et une Pleureuse, comme son nom l’indique, elle pleure? Une question qui fait sourire Benoît Chobaz: "Une Pleureuse ne pleure pas. Les Pleureuses étaient les femmes de Jérusalem, au temps du Christ, qui suivaient le cortège funéraire. Elles symbolisent aussi toute la souffrance qui est liée aux femmes, dans le monde."

A Romont, l'anonymat de ces femmes est garanti. Impossible de savoir quelle Romontoise est une Pleureuse, même si Benoît Chobaz glisse quelques indices: "Ce sont des femmes de la paroisse, qui expriment leur foi de cette façon-là. Elles entraînent les gens à rentrer dans cette problématique de la souffrance et de la mort, en attendant la résurrection."

Volet historique

Les premières traces des Pleureuses de Romont remontent à 1456. A l’époque, la population ne savait ni lire, ni écrire. Pour répandre les traditions chrétiennes, les textes sacrés étaient incarnés et joués, sous forme de Mystères. "Des sortes de jeux-théâtres avec des acteurs", précise le président de paroisse.

Depuis le Moyen-Âge, la tradition a connu quelques évolutions. En 1755, la cérémonie s’est transformée. L’aspect théâtral a été abandonné pour quelque chose de plus solennel: une procession, avec des légionnaires romains, des pénitents, les apôtres et les Pleureuses, jusqu’en 1843. Cette année-là, coup dur pour Romont: son hôpital est la proie des flammes. "Les habits des processions ont brûlé. Il ne restait plus que les habits des Pleureuses."

Il aura fallu attendre la fin des années 1960, après le concile Vatican II, pour intégrer cette procession dans la liturgie catholique du Vendredi saint. Depuis, la tradition reprend vie chaque année. "Sauf pendant deux ans, à cause du Covid-19", corrige Benoît Chobaz. 

Frapp - Anaïs Rey
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