Vincent Ribordy: "Le chemin pour être urgentiste est long"

Lors de la Journée romande de médecine d'urgence à Forum Fribourg, le médecin-chef de l'HFR souligne l'importance de faire de la médecine d'urgence une spécialité.

Vincent Ribordy, le chef des urgences à l'HFR, était l'invité de Radio Fribourg à l'occasion de la journée romande de la médecine d'urgence, ce mercredi à Forum Fribourg. © KEYSTONE/RadioFr.

Plus de 170 professionnels de la médecine d'urgence ont participé ce mercredi à la Journée romande de médecine d'urgence à Forum Fribourg, organisée cette année par l'équipe de l'Hôpital cantonal fribourgeois. L'un des souhaits de la branche: mieux reconnaître les médecins urgentistes, en facilitant la formation. 

RadioFr: A quoi ça sert une journée romande de la médecine d'urgence, est-ce qu'il y a vraiment du concret qui ressort de ce genre de séminaire?

Vincent Ribordy: Cette journée romande de médecine d'urgence est très importante pour nous. On parle de problématiques concrètes en lien avec les enjeux des services d'urgence en Suisse, en général, et chaque fois c'est l'occasion d'être force de proposition pour évoluer et adapter nos services d'urgence aux besoins de la population.

Un enjeu, c'est de faire de la médecine d'urgence une vraie spécialité. Ce n'est pas le cas actuellement en Suisse. Pour travailler aux urgences, en résumé, il faut d'abord faire une autre spécialité, puis se former encore en plus aux urgences. C'est un problème pour vous actuellement?

Exactement, on parle aujourd'hui d'une sur-spécialité, c'est-à-dire que le chemin est long. 

Les études sont longues?

Le chemin pour être urgentiste en Suisse est long, parce que justement il implique d'effectuer un titre de base et de se sur-spécialiser avec des obstacles pour l'accès à cette sur-spécialisation, ce qui limite fortement le nombre de professionnels. Aujourd'hui, ça ne répond pas aux besoins des services d'urgence. Cela est vraiment paradoxal parce que les besoins dans les services d'urgence sont croissants. Toutes les professions interprofessionnelles de l'urgence, comme les soignants spécialisés en soins d'urgence, les ambulanciers sont reconnus et professionnels depuis de nombreuses années. Au niveau médical, la Suisse est un des derniers pays en Europe à ne pas avoir encore une vraie reconnaissance par un titre à part entière de spécialiste en médecine d'urgence.

On parle beaucoup de revalorisation, de reconnaissance du personnel soignant, mais ce n'est pas au niveau financier?

Il ne s'agit pas du tout d'une reconnaissance financière. C'est surtout important en termes de relève qu'un jeune médecin puisse s'identifier sur un parcours de formation parce que cette formation est structurée, parce qu'elle est reconnue.

En France, la médecine d'urgence est une spécialité. Les autorités parlent aussi de pérenniser, d'attirer les gens dans la médecine d'urgence. 

Vous amenez là une autre problématique qui est générale dans peut-être les organisations du travail en général et pas seulement dans le domaine des soins mais c'est peut-être plus marqué dans le domaine des soins en général, non seulement d'être attractif mais aussi que les acteurs puissent rester dans leur profession effectivement. Cela dépend des conditions cadres notamment.

Le système de santé, les hôpitaux sont en mutation, il y a aussi l'idée de mieux coordonner, mieux coopérer avec les infirmiers, les infirmières, les ambulanciers pour les urgences.

Lorsque les crises sont permanentes, on doit peut-être penser non plus en termes de résolution de crise mais de penser différemment, d'où le terme peut-être de mutation. Et concernant la manière de travailler, on ne peut plus penser de manière individuelle ou de manière cloisonnée par profession. On doit penser aussi à améliorer la coordination entre les différents secteurs de soins, ambulatoire, hospitalier, soins aigus, soins de longue durée, mais surtout entre les professions et développer l'interdisciplinarité.

280 millions d'euros, c'est ce que ça a coûté en France pour faire de la médecine d'urgence une spécialité. Est-ce que c'est possible dans le canton de Fribourg avec les moyens qu'on a?

Je pense qu'on doit réfléchir de manière nationale. Les expériences des autres pays sont importantes. Encore une fois, il s'agit de partir des besoins. À partir du moment où on essaie de transposer en coûts le besoin de formation, bien entendu qu'on arrive à certains montants, mais qui sont indispensables. L'absence de formation d'éducation est bien plus coûteuse que de mieux former des professionnels dans un domaine où le besoin est reconnu et avéré.

Si la médecine d'urgence devenait une spécialité, qu'est-ce que cela changerait pour les Fribourgeoises et Fribourgeois se rendant aux urgences?

Concrètement, on a déjà une organisation de type professionnel dans le sens où pour les Fribourgeois et les Fribourgeoises, il existe un service d'urgence dont la mission est de s'occuper des cas les plus complexes des urgences vitales, mais surtout d'assurer une permanence de l'urgence, c'est-à-dire que les soins d'urgence sont disponibles 24 heures sur 24. Aujourd'hui, on a un système avec une professionnalisation partielle, et puis au niveau médical, on a pallié au manque d'urgentistes par des recrutements à l'étranger, notamment en France. Et à l'avenir, c'est extrêmement important pour les Fribourgeois et les Fribourgeoises de pouvoir compter sur un système de santé, un système de soins, un hôpital, un service d'urgence performant qui dispense des soins de qualité et puis de manière pérenne.

Ecouter l'interview complet: 

RadioFr. - Isabelle Taylor
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